Montréal, 8 novembre 2003  /  No 132  
 
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SUCCÈS = ACCUMULATION D'ARGENT?
 
 
Re: POURQUOI NOS DÉBATS SUR LE DÉCROCHAGE DES GARÇONS TOURNENT EN ROUND, le QL, no 131. 
  
          Après avoir lu votre article sur le décrochage des garçons, je ne peux m'empêcher de réagir à la notion de succès telle que vous la décrivez à maintes reprises. Pour vous, le succès ne semble lié qu'à l'accumulation d'argent, et vous vous efforcez de consolider votre théorie en citant des magnats de l'informatique, de la musique, etc. Je suis moi-même enseignant et je m'efforce d'inculquer à mes jeunes disciples plusieurs notions d'humanisme à travers les oeuvres d'auteurs de différentes époques. Aurais-je mal interprété mes lectures, ou les grands sages de l'histoire préfèrent la richesse de l'âme à celle de la gloire? 
  
          Si les plus grands représentants du capitalisme sauvage représentent pour vous les modèles masculins par excellence à adopter, je suis très heureux que vous ne vous satisfassiez pas de notre système d'éducation. Sachez qu'il subsiste toujours certains remparts qui protègent la noblesse de l'âme... Vos propos m'apparaissent cependant comme une grande menace à l'intégrité humaine et sont particulièrement inquiétants si vous êtes vous-même un enseignant... 
  
          Pour un « Québécois libre », vous me semblez plutôt esclave de la philosophie néolibérale qui souffle actuellement sur le monde. Tentons d'entraîner nos jeunes, filles et garçons, vers des sommets plus nobles que ceux auxquelles vous les conviez, car vos propos n'incitent guère à la culture générale. 
  
B. B.
 
 
 
 
LA RÉINGÉNIERIE FERA RÉGRESSER LA SOCIÉTÉ
 
 
          Dans son ouvrage Hegel et la société moderne (1998), Charles Taylor explique l'expressivisme du philosophe allemand Herder et énonce ce qu'il voulait combattre. On peut y voir certains parallèles avec la tentative de « réingénierie » du présent gouvernement québécois: « D'une certaine manière, l'expressivisme s'oppose à la vision de l'homme entretenue par les Lumières, à la fois sujet et objet d'une analyse scientifique objectivante. Il récuse ainsi, essentiellement, une vision de l'homme comme sujet de désirs égoïstes que la société et la nature n'ont d'autre fin que de satisfaire. Les Lumières proposaient une perspective utilitaire au plan éthique, atomiste dans sa philosophie sociale, analytique dans sa science de l'homme, et qui comptait sur l'ingénierie sociale pour réorganiser les individus et la société afin d'apporter le bonheur par un parfait ajustement mutuel. » 
 
          Puis: « Au contraire, selon Herder, le Volk [signifiant "peuple" en allemand] est porteur d'une certaine culture qui fait vivre ses membres, lesquels ne peuvent s'en détacher qu'au prix d'un sérieux appauvrissement. Nous touchons ici à l'origine du nationalisme moderne. Herder pensait que chaque peuple possède ses propres thèmes directeurs ou modes d'expression, particuliers et irremplaçables, qui ne pouvaient être ni supprimés ni remplacés par une quelconque imitation des autres. » 
 
          Plus ça change... Enfin. De manière plus prosaïque, j'ajouterais ceci sur une certaine déviance individualiste très contemporaine, justement celle du néo-libéralisme qui fait présentement l'objet du débat que l'on sait chez nous. La « réingénierie » de l'État que proposent les néolibéraux, où qu'ils se trouvent, vise à réduire le rôle de l'État, donc ses dépenses, donc ses besoins en revenus, donc les impôts qu'il prélève, impôts payés par une multitude, laquelle compte toujours une minorité de riches. 
 
          Comme chacun peut le constater, ce sont ces derniers, et leurs admirateurs envieux, qui crient le plus fort pour que le rôle de l'État soit modifié à la baisse, ses impôts réduits, ceux-là mêmes qui ont relativement plus d'argent dans leurs poches que les autres citoyens. Mais, le réalise-t-on assez, s'ils se sont enrichis, c'est parce qu'ils ont profité d'une société efficacement organisée: protégée contre l'extérieur, pacifiée à l'intérieur, pourvue d'infrastructures, formée d'une population en santé et instruite, toutes choses qui n'ont pu se réaliser que grâce à un certain mais très réel interventionnisme de l'État, financé par les impôts de la multitude...  
 
          Or, voici l'enrichissant mais pitoyable paradoxe: ceux-là mêmes – en fait, il semble que soient davantage le fait de leurs thuriféraires rémunérés et de leurs admirateurs envieux – qui ont financièrement le plus tiré profit de la société organisée clament – certainement pas comme condition nécessaire à leur enrichissement! – des réductions d'impôts, feignant d'ignorer qu'elles ne peuvent que faire régresser socialement l'ensemble de ceux qui ont financé la société qui leur a fourni le cadre et les outils sociétaux leur permettant de s'enrichir! 
 
          Évidemment qu'il faut moderniser l'État, le rendre plus efficace. Évidemment que les centrales syndicales ne sont pas étrangères à un certain corporatisme qui profite d'abord à l'appétit de pouvoir sociétal de ses dirigeants et aux intérêts économiques bien compris de sa technostructure: audience sociétale et revenu de l'organisation allant de pair avec le nombre de syndiqués. Évidemment que prendre une population en otage, dans le cadre d'une négociation syndicale, c'est une forme de banditisme social.  
 
          Et évidemment que la libre entreprise est, à ce jour, le meilleur système pour produire la richesse et qu'elle rime habituellement, mais pas toujours, avec démocratie et liberté! Et que la plupart des gens ne contestent pas qu'il soit juste et normal qu'un entrepreneur – pas les rapaces non entrepreneurs de la technostructure qui ont commencé il y a plusieurs décennies par ravir dans les faits le pouvoir aux investisseurs-propriétaires – qui réussit à créer de la richesse collective s'enrichisse lui-même.  
 
          Mais..., mais... 
 
Robert Bastien
Montréal
  
 
 
 
CES ARTISTES QUI PROFITENT DU SYSTÈME
 
 
Re: LES ARTISTES FACE AU MARCHÉ, le QL, no 130. 
 
Cher Carl-Stéphane,  
  
          J'ai lu avec intérêt ton article sur l'art déconnecté. Je pense que plusieurs des personnes qui profitent de la politique culturelle ont noyauté le milieu afin de contrôler les budgets et se les accaparer. Leurs discours savants ne servent qu'à tenir à distance les indésirables... 
  
          Il ne faut pas être naïf et inviter ces gens à se rapprocher du public. Ils savent très bien qu'ils fraudent et ils sont organisés pour se servir de la politique... D'accord, ce sont des gens prétentieux, mais ce qui les définit le mieux, c'est que ce sont des magouilleurs. 
  
          Ciao, de la part d'un artiste qui travaille sur la rue pour vivre de son art. 
  
Cami
caricaturiste
  
 
 
 
UNE RÉINGÉNIÉRIE QUI COMMENCE BIEN MAL
 
 
          Avez-vous envoyé votre 65 $? Bravo et félicitations, vous devenez légalement actionnaire de Québec Cartier! 
 
          En effet, les sociaux-démocrates du PQ, en plus d'avoir le défaut d'être indépendantistes, avaient organisé un prêt à cette compagnie minière de la Côte-Nord un peu avant les élections. 
 
          L'entreprise faisait du chantage honteusement pour pouvoir recevoir son Bonheur-Social de luxe (B.S.). Elle le reçoit finalement du nouveau gouvernement libéral: un prêt (???) de 196 millions de dollars. 
 
          L'entreprise est contente, on s'en doute, et les 1 800 employés aussi. Mais l'incroyable n'est pas là. L'entreprise en question pourra rembourser le prêt à partir de 2011 seulement, et cela sans payer d'intérêt! 
 
          Il y a pas loin de 3 millions de travailleurs au Québec. Soyez heureux, vous savez au moins qu'une partie de vos impôts se retrouvent sur la Côte-Nord. Selon ce que vous payez par années en impôt, vous savez qu'environ 65 dollars de vos poches ont servi encore une fois à fausser les lois du marché et mettre sous respirateur artificiel plus de 1 800 emplois. 
 
          Quelle pression les citoyens peuvent-ils exercer, eux, pour que leurs impôts ne servent plus à saupoudrer l'économie d'emplois créés de toute pièce ou maintenus en dehors du principe bien normal de l'offre et la demande? 
 
          Personne ne se posera la question pour savoir pourquoi l'entreprise avait des difficultés financières. S'agit-il d'une mauvaise administration, d'une perte de rentabilité, d'une baisse de la demande? 
 
          Ne comptons pas trop là-dessus, nous risquons de ne jamais avoir les explications satisfaisantes. En attendant, notre argent se fait lancer de tout bord. 
 
          Ça commence bien mal la réingénierie de l'État. 
 
Frédérick Vautier
 
 
 
ATTENTION!
    Si vous en avez marre de vivre dans une société où l'hystérie nationaliste domine tous les débats; dans un pays où les taxes, les réglementations omniprésentes et le paternalisme des gouvernements briment la liberté individuelle et restreignent le dynamisme économique; dans une culture où le moutonnisme et l'égalité dans la médiocrité sont plus valorisés que l'individualisme et la compétition; dans un monde intellectuel où les prétendus « consensus nationaux » promus par une élite déconnectée servent de prétexte pour éviter les débats rationnels; 
  
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