Montréal, 22 novembre 2003  /  No 133  
 
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Marc Grunert enseigne les sciences physiques dans un lycée de Strasbourg et anime le Cercle Hayek, consacré à la réflexion et à la diffusion du libéralisme. Il est également éditeur adjoint du QL pour la section européenne.
Christian Michel est propriétaire du site Liberalia.
 
PHILOSOPHIE LIBERTARIENNE
 
UN MOT D'INTRODUCTION
 
  
          Le texte de Christian Michel est une belle oeuvre littéraire et pédagogique que je donnerais volontiers à lire à mes élèves et ce, bien entendu, dans le cadre de ma mission « citoyenne ». Je me contenterai de leur indiquer l'adresse du Québécois Libre. Ils n'auront qu'à se faire une idée par eux-mêmes, en comparant les discours lénifiants de la propagande pseudo citoyenne de l'Éducation Nationale et cet exposé plein d'esprit, d'ironie, dont le but est en fait de susciter la réflexion et d'apporter aussi des arguments rigoureux contre les grandes phrases à la mode.  
   
          Dans les lycées français s'est déroulé récemment le moment « démocratique » censé éduquer les élèves aux pratiques de la démocratie représentative. J'ai déjà écrit sur ce sujet et bien que le désintérêt quasi général des élèves soit palpable, l'institution n'en demeure pas moins bien ancrée dans la vie scolaire (voir LES LYCÉES VICTIMES DU TOUT-DÉMOCRATIQUE, le QL, no 94). Il se passe forcément la même chose qu'en grandeur réelle: les individus qui se foutent royalement de cette forme de démocratie, et qui ont foi en eux-mêmes seulement, agrandissent la majorité politiquement passive représentée de force par des opportunistes ou des croyants qui prendront une partie (toute petite en l'espèce, heureusement) de leurs conditions d'existence en leur pouvoir.  
   
          Mais le pli est pris. Les « représentés » jouent leur rôle de moutons consentants et les « représentants » pensent déjà à leur avenir et à l'investissement qu'ils font dans la domination politique des autres. Afin que cette majorité d'individus politiquement exploités comprenne ce qu'elle est, j'invite tout particulièrement les élèves des lycées de France à étudier et à méditer ce cours d'éducation civique un peu particulier, dérangeant dans la mesure où il explique qu'il ne faut plus croire ce que le bourrage de crâne de l'Éducation Nationale a formaté dans l'esprit de ses victimes.  
 
 
Marc Grunert
  
  
 
 
 
NE RATEZ PAS L'ÉDUCATION CIVIQUE
DE VOS ENFANTS
 
par Christian Michel
  
 
          Les plus fins observateurs de la société déplorent le manque d'éducation civique de nos enfants. La « bof génération », nous préviennent-ils, se désintéresse de la chose publique au point d'ignorer les règles de fonctionnement de la démocratie, le nom de nos éminents élus et les notions fondamentales du droit. 
  
          C'est aux parents qu'il appartient de réagir. On ne peut pas attendre de l'école qu'elle assure à la fois l'apprentissage du calcul, de l'obéissance, de la gymnastique et du civisme. Comme j'ai commis quelques écrits sur ce que devraient être les relations entre les êtres humains dans la cité, mes amis me demandent quelquefois des conseils: comment inculquer aux enfants les valeurs de notre société démocratique? 
  
          Voici quelques idées simples que vous pouvez tester immédiatement en famille. 
  
Première leçon: Le mandat électif 
  
          Un bon début est de faire sentir aux enfants la nature du mandat électif. Annoncez-leur qu'ils peuvent décider qui, de papa ou de maman, exercera le gouvernement de la famille pendant tout le dimanche. Maman promet que si c'est elle qui est choisie, elle emmènera les enfants faire tout ce qu'ils aiment le plus, du ski, par exemple, ou monter à cheval. Papa renchérit en promettant de donner 50 francs à chacun pour aller au cinéma et acheter un McDo. 
  
          Peu importe qui a gagné. Lorsque les enfants, le dimanche venu, viendront réclamer à l'élu de tenir ses promesses, que celui-ci leur rappelle solennellement qu'ils lui ont confié le gouvernement de la famille pendant cette journée, que sa première responsabilité est de veiller au bien-être collectif, et que, selon son jugement d'élu, le bien-être collectif ne passe pas par une sortie et des dépenses inutiles.  
  
          Attention, vos chers rejetons vont protester, tempêter. « Mais, tu avais promis... », geigneront-ils en tapant du pied par terre. Ne fléchissez pas. Rappelez-vous votre mission d'éducateur. La déception et la colère sont en train d'enseigner à vos enfants leur première leçon de démocratie. Ils vous ont donné le pouvoir et ils doivent comprendre que vous ne l'exerceriez pas pleinement si vous vous considériez tenu par des engagements. Et pour bien souligner l'argument, consignez-les dans leur chambre à faire leurs devoirs toute la journée. 
  
          Mentez constamment à vos enfants, sur des petits ou des grands sujets, que vous en tiriez un avantage ou pas. Vous leur apprendrez ainsi ce qu'est un président de la République. Mentir effrontément vous sera difficile au début, comme à la plupart des gens, mais dîtes-vous que si les politiciens y parviennent, vous réussirez donc aussi.  
  
Deuxième leçon: Le service public 
  
          Ordonnez à votre fille de donner 1 franc de son argent de poche à son petit frère chaque fois qu'il la frappe et la harcèle. Si elle s'insurge, profitez-en pour passer à la deuxième leçon. Montrez à la petite qu'une famille est un corps social, comme l'État. Or, dans un État qui se respecte, un quart environ de la population active possède le statut de fonctionnaire. Dîtes à votre fille que vous avez nommé son frère fonctionnaire et vous veillez à ce que, en bonne administrée, elle le paie ponctuellement et pendant toute sa vie. 
  
     « Mentez constamment à vos enfants, sur des petits ou des grands sujets, que vous en tiriez un avantage ou pas. Vous leur apprendrez ainsi ce qu'est un président de la République. »
 
          Si votre fille a le front de vous répondre que son frère ne lui rend aucun service et qu'il n'y a pas de raison qu'elle l'entretienne à ne rien faire, rétorquez que c'est bien pour ça que l'État doit la contraindre. Si le frère portait le cartable de la soeur sur le chemin de l'école, s'il lui réparait son vélomoteur, s'il lui construisait un meuble pour qu'elle range ses affaires, elle lui serait reconnaissante d'une façon ou d'une autre. Vous n'auriez pas besoin d'intervenir. Mais il faut croire que les fonctionnaires ne rendent pas un service que les gens achèteraient de leur plein gré, puisqu'ils doivent s'adresser au détenteur du pouvoir policier et militaire (vous, en la circonstance) pour obliger la population à les payer.  
  
          Mais vous avez la chance de vivre un exemple encore plus riche d'enseignements. Car votre fils n'est pas seulement inutile à sa soeur, il la harcèle. Faites remarquer à votre fille que nous nous résignerions tous au demi-mal de payer des fonctionnaires à condition qu'ils ne fassent rigoureusement rien, mais nous devons malheureusement accepter de les payer pour qu'ils nous harcèlent et nous nuisent. N'avez-vous jamais fait cette constatation qu'on mesure l'utilité sociale d'une profession à la façon dont on voudrait que ses représentants la pratiquent? Par exemple, nous attendons des pilotes d'avion, des serveurs de restaurant, des peintres en bâtiment, des médecins, des épiciers, des prostitué(e)s... qu'ils soient attentifs, zélés, compétents... Les douaniers, en revanche, les collecteurs d'impôts, les policiers de la brigade des moeurs et des jeux, tous ces bureaucrates qui censurent, qui réglementent, qui contrôlent et espionnent notre vie privée ne nous rendent service que lorsqu'ils dorment.  
  
Troisième leçon: La solidarité nationale 
  
          Voilà une nouvelle expérience qui sera lumineuse pour vos enfants. Promettez-leur 50 francs s'ils obtiennent des bons résultats à l'école. Votre fille revient avec un excellent carnet, son frère malheureusement n'a pas fait de progrès. Donnez donc les 50 francs à votre fille. Le lendemain, réclamez-lui 25 francs, au titre de l'impôt. Si elle a déjà dépensé l'argent, mettez-la à l'amende sans hésiter. Donnez 10 francs au petit frère; il n'a pas bien travaillé, mais il a droit à la « redistribution des revenus ». Gardez 15 francs pour couvrir les coûts que vous avez supportés en effectuant cette « redistribution ». Répétez l'exercice régulièrement. Ce sera intéressant de voir si la fille travaille avec autant d'entrain, maintenant qu'elle sait qu'elle doit « distribuer » la moitié de ses gains, et d'observer si le fils fait des progrès, alors qu'il touche 10 francs même s'il n'en fait pas. 
  
          Après quelques temps, demandez à votre conjoint de vous aider à effectuer cette redistribution. C'est en effet une tâche complexe, vous en conviendrez. Vous devez doubler les effectifs de votre administration. Pour financer ce coût additionnel, portez à 30 francs l'impôt sur les gains de votre fille et diminuez à 8 francs la somme que vous versez à son frère. 
  
          Votre fille commence à comprendre le fonctionnement des administrations. Le risque maintenant est qu'elle invente quelque subterfuge pour échapper à l'impôt. Si vous la prenez sur le fait, punissez-la avec la plus implacable sévérité. Car l'évasion fiscale préserve la liberté des citoyens en asphyxiant le budget de l'État. Ceux qui la pratiquent n'en profitent pas seulement eux-mêmes, ils rendent service à toute la collectivité en freinant la prolifération des bureaucraties. Le pouvoir politique que vous incarnez dans ce cours pratique d'éducation civique doit donc se protéger contre cette réelle menace, qui mettrait simplement fin à toutes les formes d'oppression partout dans le monde. Voilà une leçon qu'il ne faut pas rater. 
  
          Je suis sûr que ces quelques exercices éclaireront vos enfants sur la nature de la démocratie, le rôle des hommes de l'État, l'utilité de leurs interventions et les moyens qu'ils emploient pour les financer. Ne perdez pas de temps. Commencez ces leçons dès aujourd'hui. Il en va de l'avenir de vos enfants. 
  
  
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