Montréal,
le 18 avril 1998 |
Numéro
7
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Publié sur la Toile depuis le 21
février 1998
DIRECTEUR
Martin
Masse
ÉDITEUR
Gilles
Guénette
RECHERCHISTE
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CHRONIQUEURS
Pierre
Desrochers
Pierre
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Brigitte
Pellerin
COLLABORATEUR
Ralph Maddocks
Le
Québécois Libre défend la liberté individuelle,
l'économie de marché et la coopération spontanée
comme fondement des relations sociales.
Il s'oppose
à l'interventionnisme étatique et aux idéologies collectivistes,
de gauche comme de droite, qui visent à enrégimenter les
individus.
Les articles publiés
partagent cette philosophie générale mais les opinions spécifiques
qui y sont exprimées sont la responsabilité de leurs auteurs.
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ÉDITORIAL
LA
LOI
DU
PLUS FORT ?
par Martin Masse
« La mondialisation actuelle, on s'en
aperçoit de plus en plus, ce
n'est pas une mondialisation
des gens, ce n'est pas une mondialisation
de la solidarité, ce
n'est pas une mondialisation de la coopération, c'est
une mondialisation de la guerre
économique, de la compétitivité, où
chacun doit penser à
soi-même, où le plus fort gagne, où il faut éliminer
son concurrent sinon on est
éliminé. »
Ricardo Petrella
fondateur du Groupe de Lisbonne
Ricardo Petrella était en ville cette semaine pour participer à
un très sérieux colloque organisé par le professeur
Léo-Paul Lauzon à L'UQÀM et intitulé: «
À qui profite le démantèlement de l'État?
». Question qui pourrait être intéressante d'un point
de vue scientifique, si seulement la prémisse sur laquelle elle
s'appuie correspondait à quelque chose de réel. Mais de quel
État s'agit-il donc?
Nous avons fait notre petite enquête, et il n'y a aucun État
de ce côté-ci de la galaxie qui soit en passe d'être
démantelé. Tous continuent à croître à
un rythme plus ou moins rapide. Probablement une question rhétorique.
M. Petrella est l'un de ces nouveaux marxistes jet-set qu'il est de bon
ton d'interviewer à Radio-Canada (où a été
prise la citation ci-haut), mais qui n'ont pourtant rien de plus original
à dire que les vieux socialistes des années 1960, 1930 ou
1870.
Réactionnaire lorsqu'il le faut pour assurer l'égalité
de tous, Petrella dénonce le développement d'internet et
des technologies de l'information: « La société
de l'information correspond au capital mondial », dit-il.
Pour lui, le réseau internet permet simplement à l'information
des pays riches de submerger le monde et d'imposer l'idéologie dominante
de l'Occident — le néolibéralisme! — aux pauvres pays sous-développés.
On reconnaît là la réaction viscérale habituelle
des gauchistes contre le succès: personne ne devrait avancer si
tous ne le font pas en même temps, si quelques-uns sont laissés
derrière.
Cet argument selon lequel la « loi du plus fort
» va régner si on laisse les gens et entreprises compétitionner
librement est l'une des idées les plus fallacieuses de nos adversaires.
Dans un marché libre et compétitif, « le
plus fort » n'élimine pas ses concurrents, il
n'est au contraire que celui qui détient un avantage momentané
dans une réalité toujours en mouvement. Chaque nouvelle technologie,
chaque nouvelle idée, crée de nouveaux besoins, de nouveaux
marchés, qui permettront à d'autres de trouver de nouvelles
niches pour écouler produits et services. Il n'existe aucune garantie
que le plus fort d'aujourd'hui maintienne sa position, à moins bien
sûr que ce soit l'État qui choisisse les gagnants au lieu
de laisser les consommateurs décider.
Une compétition idéologique
accrue
Prenons l'exemple d'internet, qui fait tant peur à M. Petrella.
Cette nouvelle technologie, tout comme l'invention de l'imprimerie il y
a 500 ans, a permis une réduction fulgurante des coûts de
stockage et de transmission de l'information. À la fin du 15e siècle,
l'imprimerie a permis de briser le monopole que l'Église, les monastères
et les petits monarques avaient sur l'écriture. Le résultat
de cette nouvelle compétition pour le marché des idées
a été la Renaissance et la Réforme protestante.
Aujourd'hui, internet permet à des millions de gens d'avoir accès
à des quantités phénoménales d'information
en provenance de partout dans le monde. Mais il permet aussi à ceux
qui veulent diffuser des idées de le faire à des coûts
infimes par rapport à ce qui était le cas il y a seulement
quelques années. La compétition sur le marché de l'information
et des idées s'est accrue de façon gigantesque.
Jusqu'à tout récemment, seuls des investisseurs disposant
de montants importants pouvaient se permettre de lancer de nouvelles publications
et espérer compétitionner dans un monde médiatique
dominé par quelques joueurs. Aujourd'hui, il suffit d'un ordinateur,
d'une connexion internet et des efforts de quelques personnes pour fonder
une publication comme Le Québécois Libre.
C'est la compétition accrue qui nous permet d'exister. Au lieu d'avoir
quelques joueurs comme auparavant, nous sommes dans une jungle, l'équivalent
du « capitalisme sauvage » qui donne
des cauchemars aux bien-pensants. Et pourtant, loin d'avoir une situation
de « guerre économique » où
le plus fort l'emporte en éliminant les plus faibles, nous voyons
plutôt les petits joueurs se multiplier. Le QL fait maintenant
une concurrence modeste au Devoir et aux shows de nationalo-gauchistes
à Radio-Canada, malgré ses moyens démesurément
plus limités. Avec internet, la guerre s'est étendue, mais
cela a permis à plus de joueurs d'y participer, pas à
moins. |
Une occasion inespérée
La situation est la même dans les pays du Tiers-Monde qui n'ont encore
accès à internet que de façon marginale. Au lieu de
devoir investir des sommes énormes pour transférer les connaissances
nécessaires au développement, comme ils devaient le faire
auparavant, ces pays peuvent maintenant obtenir un accès rapide
et facile à la même information que les pays riches, à
un coût minime. Alors qu'on devait dépenser des milliers de
dollars pour envoyer un étudiant se familiariser avec les dernières
technologies dans les universités étrangères, on peut
maintenant brancher toute une école sur le monde pour le même
prix.
Cela ne garantit évidemment pas un développement instantané.
Mais la mondialisation tant décriée présente une occasion
inespérée d'accéder à des ressources jusqu'ici
hors de portée pour ces populations pauvres, si leurs gouvernements
y permetttent et encouragent bien sûr l'accès au lieu d'y
voir une autre menace à leur pouvoir, comme cela risque d'être
le cas.
Car c'est là qu'elle se trouve, la loi du plus fort: dans le pouvoir
des États, qui disposent des moyens coercitifs pour décider
qui seront les gagnants et les perdants.
Ce sont les monopoles imposés par les États qui empêchent
les alternatives, pas la compétition; ce sont les réglementations
excessives, les taxes élevées et les mesures protectionnistes
qui tuent les plus faibles, pas la compétition; ce sont les subventions,
le favoritisme et les « investissements » dans
les projets de ceux qui font le lobbying le plus soutenu qui briment les
efforts réels des concurrents, pas la compétition.
Tous les joueurs ont leur place dans un marché libre et compétitif,
où l'État ne fait que garantir des conditions égales
pour tous. L'effort, la créativité et le sens des affaires
décideront en bout de ligne qui sera prospère et qui devra
se recycler dans autre chose. Mais c'est probablement là que ça
bloque pour les gauchistes réactionnaires comme Petrella: le misérabilisme
qui sous-tend leur vision des choses ne s'accordera jamais avec une telle
perspective dynamique et optimiste. Ils préfèrent nous offrir
un monde où tous sont également pauvres et arriérés,
mais où l'on peut au moins se consoler parce que les autres n'en
ont pas plus que nous.
Le Québec libre des
nationalo-étatistes
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«
Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes
mains chaque individu, et l'avoir pétri à sa guise, le souverain
étend ses bras sur la société tout entière;
il en couvre la surface d'un réseau de petites règles compliquées,
minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus
originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient faire jour
pour dépasser la foule; il ne brise pas les volontés, mais
il les amollit, les plie et les dirige; il force rarement d'agir, mais
il s'oppose sans cesse à ce qu'on agisse; il ne détruit point,
il empêche de naître; il ne tyrannise point, il gêne,
il comprime, il énerve, il éteint, il hébète,
et il réduit enfin chaque nation à n'être plus qu'un
troupeau d'animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le
berger. »
Alexis de Tocqueville
DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE
(1840) |
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