Montréal,
le 18 avril 1998 |
Numéro
7
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Un
regard libertarien
sur
l'actualité québécoise et nord-américaine
numéros précédents
Publié tous les samedis
ql@quebecoislibre.org
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LE MARCHÉ LIBRE
LE MONDE DES
DIPLODOCUS
par Pierre Desrochers
La dernière livraison du bimestriel Manière de voir
(Mars-Avril 1998), une sélection d'articles parus préalablement
dans Le Monde diplomatique, est consacrée aux «
ravages de la technoscience ».
Le ton y est donné d'entrée de jeu: «
Après nous le Déluge ». Voilà,
en bref, à quoi se réduirait la logique du productivisme,
dont le capitalisme planétaire est désormais l'unique porte-fanion.
Une logique de l'immédiat, dont l'incarnation est le marché
où l'on rafle sa mise dans l'instant, sans mémoire du passé
ni considération pour l'avenir. Et, dans une économie de
casino, on spécule évidemment sur tout, quitte à jouer
les apprentis sorciers... Pillage et gaspillage pour certains, mal-vie
ou survie pour d'autres, voilà le nouvel ordre « naturel
» que fait régner l'argent, non seulement roi, mais
fou.
Et les auteurs d'ajouter que parce que l'économie se doit d'être
écologique, l'État a un rôle évident à
jouer... Ce Manière de voir a évidemment fait les
délices des commentateurs des télévisions et radios
publiques, de même que de tous les activistes ayant déclaré
la guerre à la mondialisation du néolibéralisme sauvage.
Reste toutefois le contenu de ce qui se veut un implacable réquisitoire
contre l'ordre marchand.
Autopsie d'une mort annoncée
Disons-le tout de suite, les auteurs de cet ouvrage ignorent, sciemment
ou non, presque tout ce que la mouvance libérale offre comme solutions
aux problèmes environnementaux, tout en nous présentant comme
données factuelles des scénarios catastrophistes. Il serait
évidemment beaucoup trop laborieux de reprendre un à un les
sophismes, faussetés et caricatures de la pensée libérale
contenus dans ce numéro. On peut toutefois examiner plus longuement
quelques commentaires de l'éditorial du directeur du Monde diplomatique,
Ignacio Ramonet, introduisant le reste de l'ouvrage.
1) Pendant des millénaires, cette nature généreuse,
paradisiaque, exubérante, a dominé en maîtresse. L'être
humain depuis son apparition s'y est nourri et a longtemps vécu
en symbiose avec Mère Nature. Mais [...] au nom du progrès
et du développement, l'homme a entrepris la destruction systématique
des milieux naturels.
Qui se souvient toutefois que l'Alberta a déjà été
une forêt tropicale et que le Québec était entièrement
couvert par les glaces il y a quelques dizaines de milliers d'années?
Que les volcans et les marais « polluent » infiniment
plus que la race humaine ou encore que, toutes proportions gardées,
un troupeau de vaches produit plus de déchets et de gaz toxiques
que n'importe quelle usine? Que plus de 99% des espèces ayant un
jour vécu sur cette planète sont aujourd'hui disparues?
Mère Nature est une marâtre à nulle autre pareille,
mais la vie, en tant que phénomène biologique
a survécu à nombre de catastrophes à côté
desquelles une guerre nucléaire serait tout à fait banale.
L'action de l'homme modifie évidemment certains écosystèmes,
mais elle est encore très loin d'avoir l'impact de phénomènes
« naturels ».
2) Le productivisme à outrance est le premier responsable
de l'actuelle mise à sac.
Or, malgré leur densité de population bien supérieure,
les écosystèmes des pays productifs d'Europe de l'Ouest sont
en bien meilleur état que ceux de pays sous-développés
bien moins peuplés et moins avancés technologiquement. Les
habitants d'Europe de l'Ouest ont toutefois développé un
ensemble d'institutions, notamment des droits de propriété
privés(1) et une relative liberté économique,
qui garantissent que l'on cherche toujours, dans la mesure où l'on
y est encore libre de ses actes, à « faire plus
avec moins ». Les gains de productivité couplés
aux droits de propriété privés sont les meilleurs
garants de la sauvegarde des écosystèmes. |
3) Il faudra plusieurs siècles, voire des millénaires,
pour que certains déchets nucléaires perdent leur radioactivité...
Les pays de l'OCDE sont responsables à 90% de la production de ces
produits à risques.
Ce ne sont pas des pays qui produisent des déchets toxiques, mais
des entreprises. Et dans le cas de l'énergie nucléaire, ce
furent toujours des entreprises publiques. Aucune entreprise privée
n'a en effet investi dans cette forme d'énergie en raison des risques
encore trop grands au moment où ces centrales ont été
mises en chantier. L'énergie nucléaire est tout à
fait naturelle – chaque étoile est un gigantesque réacteur
nucléaire – et il est certain que les humains pourront un jour en
retirer plusieurs bénéfices. Les gestionnaires d'entreprises
privées, en gens responsables et soucieux de l'impact à long
terme de leurs actions, ne se sont cependant pas lancés trop rapidement
dans un domaine qui était encore trop hasardeux pour être
rentable et sécuritaire.
4) Si tous les habitants de la Terre avaient le niveau de
vie des Suisses, la planète pourrait à peine subvenir aux
besoins de 600 millions de personnes. Si au contraire, ils acceptaient
de vivre comme des paysans bengalis, de 18 à 20 milliards de personnes
pourraient subsister.
Si l'ensemble de la race humaine était aussi productive que la population
des cantons suisses, de 18 à 20 milliards d'êtres humains
auraient un niveau de vie plus élevé que celui de la population
helvétique contemporaine. Si les Suisses ont un niveau de vie plus
élevé que les paysans bengalis, ce n'est pas parce qu'ils
ont pillé la nature plus qu'eux. Après tout, la Suisse compte
bien moins de richesses naturelles que le Bangladesh. La différence
entre la Suisse et le Bangladesh, c'est qu'il y a maintenant plusieurs
générations que la population helvétique crée
de la richesse grâce à des gains de productivité et
à l'accumulation de capital productif, tandis que le Bangladesh
a longtemps été l'une des économies socialistes les
plus fermées de la planète.
De plus, il est tout à fait ridicule de croire que 20 milliards
de paysans bengalis pourraient survivre bien longtemps. Ils mourraient
beaucoup plus jeunes et en bien plus grand nombre, tout en faisant infiniment
plus de dommages aux écosystèmes en raison de leur faible
productivité agricole.
5) La pénurie d'eau potable, l'effet de serre, la déforestation,
la crise énergétique, l'explosion démographique...
On pourrait continuer encore bien longtemps de souligner les erreurs factuelles
et la caricature de la pensée libérale présentée
par le bon docteur Ramonet et ses acolytes de Manière de voir,
mais notre prose ne vaudra jamais l'encyclopédique The
Ultimate Resource 2 (Princeton University Press, 1995) du regretté
Julian Simon, ouvrage que le lecteur plus soucieux de rigueur analytique
voudra bien consulter.
Les ravages de la technoscience n'est finalement qu'une ode à
la haine de la liberté et de la créativité humaine.
Mais heureusement pour les pontifes du Monde diplo, le libéralisme
économique et le progrès technique leur ont permis de vivre
suffisamment longtemps et en santé pour leur laisser le loisir d'écrire
des drames fantasmagoriques dépourvus d'intérêt.
1. Pour en savoir plus sur les
droits de propriété privés, voir article
du 7 mars 1998.
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