Montréal, le 21 novembre 1998
Numéro 25
 
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MOT POUR MOT
  
QUE LE VÉRITABLE 
LIBÉRAL SE LÈVE
  
 
          Comme son adversaire libéral Jean Charest (voir DR JEAN JEKYLL ET M. JEAN HYDE, QL no 23), le chef adéquiste Mario Dumont est loin de tenir un discours toujours cohérent. En fait, la cohérence est probablement la qualité la plus déficiente chez nos politiciens. Au cours du débat des chefs à la télévision le 17 novembre, Mario Dumont a surpris non seulement par certaines déclarations anti-étatistes courageuses, mais aussi par des attaques bizarres contre les rares propositions intéressantes de Jean Charest (réduction de la taxe sur le capital et du mandat de la Société générale de financement), des propositions avec lesquelles il aurait pourtant dû se dire en accord.  
  
          Nous reproduisons ici les échanges entre MM. Dumont et Charest pendant la section du débat portant sur l'économie et l'emploi, où ces questions ont été débattues. 
  
  
MARIO DUMONT: En matière de création d'emplois, je pense qu'il y a un point où on est d'accord, c'est sur la nécessité de baisser les impôts, de réduire le fardeau fiscal des contribuables. Je pense que là-dessus, on a tenu, pour montrer l'importance de réduire le fardeau fiscal des contribuables, à identifier qu'on voulait faire un ménage dans l'usine à papier du gouvernement, dans le nombre d'organismes. Ce que je comprends mal, c'est le choix qu'a fait le Parti libéral de cibler non pas l'usine à papier dans le gouvernement, la bureaucratie excessive, mais de cibler la SGF, donc de cibler un organisme qui rapporte des dividendes à l'État. Il me semble qu'il y a tellement de choses au gouvernement qui ne rapportent pas de dividendes, qui brassent du papier, je comprends mal le choix d'avoir ciblé la SGF qui pourtant est un organisme, un de ceux – il y en a pas beaucoup dans le gouvernement – mais un de ceux où on investit et ça rapporte. 
  
JEAN CHAREST: Je suis content que vous posiez la question et je pense que ça va nous permettre un échange que les gens pourront apprécier parce qu'il y a des réponses à tout ça. D'abord, oui, vous et moi, pour ce qui est de la réduction, ou les efforts pour réduire l'intervention de l'État, on est d'accord là-dessus. On fait le même diagnostic, entre vous et moi, c'est parce qu'on regarde partout autour de nous en Amérique du Nord, puis on constate qu'au Québec, on est champion taxes et impôts, champion bureaucratie, on est les premiers, on a plus de bureaucratie...
MARIO DUMONT: Oui mais vous ne voulez pas la réduire la bureaucratie! 
  
JEAN CHAREST: Oui je veux... 
  
MARIO DUMONT: J'ai vu vos déclarations dans la région de Québec, vous avez dit qu'il y aurait aucun fonctionnaire de moins là. C'est ce que j'ai lu. 
  
JEAN CHAREST: Monsieur Dumont, permettez-moi de justement répondre à votre question, pour vous dire d'abord que dans les dernières années, il s'est fait un effort très important, il y a eu beaucoup de pré-retraites, il faut faire attention, là, parce qu'on a besoin d'une fonction publique compétente, une fonction publique forte. Et je veux aussi faire une précision: quand quelqu'un dit qu'on veut réduire la taille [de l'État] de 30%, c'est faux ça, c'est une fausseté. Ce qu'on a dit, c'est que ça coûte 30% plus cher administrer l'État québécois... 
  
MARIO DUMONT: Mais vous voulez que ça continue comme ça? 
  
JEAN CHAREST: Non, non... que nos voisins, puis c'est à peu près 30% plus que la moyenne canadienne. Puis il faut faire différemment, moins de bureaucratie et plus de services directs. Mais vous me posez une question sur la SGF. Je veux encore une fois dire exactement ce qu'on a toujours dit: ce que nous ne voulons pas, nous au Parti libéral du Québec, c'est ce que le gouvernement du Parti québécois propose, c'est-à-dire une super-SGF. Ils vont chercher deux milliards de dollars de plus dans l'économie du Québec pour donner ça à des entreprises qui, dans beaucoup de cas, n'en auront pas besoin pour créer des emplois qu'elles auraient créés de toute façon. Comme vous et moi on en a été témoin, il y a des entrepreneurs qui ont reçu de l'argent et qui ont admis qu'ils en auraient pas eu besoin pour créer les jobs qu'ils auraient créés de toute façon. Ça, on le fera pas. Et je vous souligne en passant qu'on trouve ça d'autant plus aberrant que le même gouvernement a enlevé deux milliards de dollars dans le système de santé, et puis tout d'un coup il est capable de trouver deux milliards de dollars pour une autre superstructure d'État puis de bureaucratie qui ne servira à rien. 
  
MARIO DUMONT: Pour ce qui est de la capacité de trouver des milliards, là, faites-vous pas compétition, vous avez la soirée pour ça! Mais je veux revenir sur une autre proposition qui m'a surpris, je veux dire, votre programme en matière économique m'a surpris sur quelques points: l'abolition de la taxe, ou la réduction de la taxe sur le capital. Moi, ce que je constate, je regarde les entreprises d'aujourd'hui, beaucoup d'emplois se créent dans les entreprises, exemple, dans le secteur des nouvelles technologies. Les gens, ce qu'ils ont, c'est une chaise, un bureau, un petit ordinateur, un clavier puis une souris. Les gens qui ont le capital... c'est une mesure qui va aider les multinationales, là, disons-le. Les gens qui ont le capital, qui ont les entrepôts, les gens qui ont la grosse machinerie... 
  
JEAN CHAREST: Je vous en prie, je vous en prie. 
  
MARIO DUMONT: C'est beaucoup les multinationales qui vont en profiter. Il me semble que ça aide pas beaucoup l'économie de l'avenir, les nouveaux secteurs. 
  
JEAN CHAREST: Non non, Monsieur Dumont, je regrette, là, je regrette. Si on veut réduire cette taxe-là, on veut réduire la taxe sur l'investissement. Il y a plus de 200 000 PME au Québec. Ça, c'est des petites et moyennes entreprises, c'est elles qui créent de l'emploi et c'est à ces PME-là que cette taxe-là fait le plus mal, parce qu'on taxe l'investissement, puis on envoie un signal, non seulement à nos PME chez nous mais à tout le monde à l'extérieur, que si vous venez investir de l'argent, donc créer de l'emploi, on va vous taxer. Et cette taxe-là, Monsieur Dumont, vous le savez, elle s'applique même les années où vous perdez de l'argent. Ça veut dire quoi ça? Une petite PME qui a de la misère à arriver – parce que ça arrive souvent – va se faire taxer malgré le fait qu'elle investit de l'argent ou qu'elle emprunte de l'argent. Ce qu'on veut faire, nous, c'est créer de l'emploi, puis en créant de l'emploi on veut d'abord donner une chance aux petites et moyennes entreprises du Québec. C'est exactement ça le but de l'élimination de la taxe sur le capital, qui se fait graduellement et qui ne vise en passant que l'entreprise privée. On cherche pas, là, à favoriser les banques, les banques sont exclues de ça, les institutions financières continuent à être taxées, les sociétés de la Couronne aussi. 
  
MARIO DUMONT: Je comprends, je comprends l'impact, mais ça va profiter beaucoup aux multinationales. Sauf que le capital qui, à l'heure actuelle, est malheureusement trop taxé à mon avis, c'est celui-là, c'est le capital humain, c'est celui qu'on a entre les deux oreilles. C'est pour ça que l'ADQ, on a proposé – et je sais que M. Bouchard dit que c'est un problème qui existe pas, il nie le problème – une politique sur l'exode des cerveaux. Les garder chez nous pour qu'ils créent des emplois chez nous, nos meilleurs cerveaux. 
  
JEAN CHAREST: Monsieur Dumont, Monsieur Dumont, voulez-vous baisser les impôts, oui ou non? Et puis est-ce que vous reconnaissez que la taxe sur le capital est plus élevée au Québec que partout ailleurs? 
  
MARIO DUMONT: Oui, on veut baisser les impôts... 
  
JEAN CHAREST: Bon, c'est correct. 

MARIO DUMONT: ...mais ce que je constate, c'est que votre taxe sur le capital oublie l'exode des cerveaux, qui est la réalité de la plus grande partie du Québec. 
  
 
 

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