Montréal, 29 avril 2000  /  No 61
 
 
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COURRIER DES LECTEURS
  
L'ÉTAT PRONE LA VIOLENCE
À LA TÉLÉ
  
Bonjour, 
  
          Je suis d'accord avec l'article de M. Guénette sur la publicité payée par nos taxes (voir CE MESSAGE D'INTÉRÊT PUBLIC A ÉTÉ RETENU ET PAYÉ PAR... VOUS, le QL, no 60) à ceci près que je trouve qu'il ne va pas assez loin. Personnellement, une de ces publicités me dérange: celle ou l'on voit un enfant avec un oeil au beurre noir dont le nez s'allonge comme celui de Pinocchio. 
 
          En écoutant le message on se rend compte que ce sont les fonctionnaires de la Protection de la Jeunesse – qui ont été critiqués récemment – qui se défendent sur les enfants en disant que ceux-ci sont naturellement menteurs. On les aime oui beaucoup... on fait de notre mieux... mais (sous-entendu) peut-être que cet enfant mérite d'être puni... 
 
          Je me suis demandé si c'était moi qui comprenais mal quelque chose et j'ai vérifié par forum sur internet. Deux personnes m'ont répondu et elles étaient du même avis que moi. En d'autres temps et d'autres lieux, on aurait appelé cela de la propagande haineuse envers des innocents. 
 
          Admettons que cette publicité soit une erreur ou que j'ai mal compris quelque chose, il reste qu'un grand spécialiste de la communication (McLuhan) prétendait que la forme c'est aussi le message. On doit conclure que le gouvernement passe des messages pro-violence et que nous on paye pour ça. 
 
          Il y a plus que le coût, au fond, c'est de la propagande. On peut presque entendre le bruit des bottes sur le pavé. C'est une erreur? C'est mal fait? D'accord. Il reste quand même qu'on joue volontairement avec la violence et la haine. La haine du père pour le bruit, du fils pour les vérifications... Banal? Est-ce encore banal de vouloir l'image d'un sang bien épais, bien ressemblant? Ou de vouloir montrer la tête d'une femme qui frappe un pare-brise et son corps qui vole dans les airs? Est-ce que ça prend tant de violence pour convaincre de nos jours? On devrait changer le dicton connu pour: « J'aime mieux mourir incompris que de violenter quelqu'un pour m'expliquer » 
  
          C'est l'État après ça qui va légiférer sur la violence à la télévision? Le contenant c'est encore le message. Ici l'État prône la violence ni plus ni moins. 
  
Denis Mercier
  
 

  
 
LES DÉFORMATIONS IDÉOLOGIQUES DU QL
  
          Un regard libertarien sur l'actualité? Très honnête comme sous-titre! Vous annoncez d'avance que votre lecture de l'actualité sera idéologique. C'est une excellente mise en garde pour tous vos lecteurs! Reste à évaluer la fécondité d'une approche idéologique.  
 
          Toute approche idéologique se caractérise par un désir: 1) de se situer à l'intérieur d'une idéologie, 2) de ne penser qu'avec les concepts fournis par l'idéologie, 3) d'éviter toutes les contradictions que l'idéologie suscitera. Cette approche conduit inéluctablement à des raisonnements abusifs, à des abstractions simplificatrices et le pire, à des formules éloignées de l'observation et de la vie. 
 
          J'ai cru constater que certains de vos lecteurs étaient fascinés par votre dialectique. Vous êtes effectivement très fort à défendre votre idéologie. Cependant, il ne faudrait pas tomber dans l'illusion qu'un discours bien construit et bien argumenté est nécessairement vrai. J'ai remarqué, dans vos argumentations, que de nombreuses prémisses étaient légitimées essentiellement par des « je crois que... ». Vous pouvez croire que le marché, laissé totalement à lui seul, procurera de la richesse à tous. Vous pouvez croire que la libre concurrence n'entraînera pas de monopoles. Il est, tout de même, possible que vous soyez dans l'erreur. Pour le moment, rien ne peut confirmer vos affirmations. À part, bien sûr, un acte de foi!  
  
Étienne Lantier
 

Réponse de Martin Masse:  
 
Monsieur Lantier,  

          Merci pour cette gentille mise en garde sur les dangers de l'approche idéologique, nous allons faire très attention dorénavant pour garder l'esprit le plus ouvert et neutre possible. C'est vrai qu'à bien y penser, on peut croire une chose et son contraire en même temps, tout est relatif et on n'est sûr de rien. Le capitalisme pourrait être une bonne chose, on n'en sait rien, on pourrait être totalement dans l'erreur comme vous dites. Même chose avec le communisme ou d'autres idéologies qui déforment la réalité, qui peut dire si les communistes ont raison ou non? Impossible de savoir si notre niveau de vie actuel est dû à l'efficacité du marché ou aux bienfaits des subventions de Bernard Landry, c'est bien évident. Il faut être arrogant pour penser tirer des leçons de l'histoire et croire qu'il y a une rationalité dans le monde, et nous succombons parfois à cette arrogance, je l'admets volontiers. Merci encore de nous remettre sur le droit chemin, nous allons essayer d'être moins idéologiques à partir du prochain numéro, c'est promis. 

M. M. 

PS: Notre chroniqueur Olivier Golinvaux consacre aussi sa chronique au concept d'idéologie en réaction à votre lettre (voir IDÉOLOGIE: LES LIBERTARIENS AU BANC DES ACCUSÉS).  
 
 



 
 
OMISSIONS SUR LES IMPACTS RÉELS
  
          Dans les années 80, Reagan et le président de la Federal Reserve allaient mettre en oeuvre la théorie de Milton Friedman. La théorie consiste à restreindre la masse monétaire et à hausser les taux t'intérêt afin de réduire l'inflation; la croissance de l'économie s'y appuie sur la poussée de l'offre provoquée par l'augmentation de l'épargne des biens nantis. Pour ce faire, on réduisit d'abord considérablement l'impôt des riches. De 1980 à 1984, la classe des 10% de bien nantis retrouva son rêve américain avec une augmentation importante de son revenu pendant que celui des classes moins nanties baissait. Dès 1983, les États-Unis avaient perdu 1,5 millions d'emplois.  
  
          Qu'en est-il aujourd'hui? Aux États-Unis, 23% des travailleurs arrivent à peine à se maintenir la tête hors de l'eau malgré leur emploi: on les appelle les working poors. Vingt millions ne gagnent que le salaire minimum, soit 8 500$ par année.  
  
          L'idéologie néolibérale nous serine que le marché est un ordre spontané, un jeu qui fait des gagnants et des perdants sans que personne ne soit responsable du résultat. Les bien nantis concentrent les richesses et les accaparent sans partage. Les preuves: 
  • La richesse du monde a quintuplé de 1960 à 1990 mais on dénombre 600 millions de pauvres de plus;
  • Les 20% des mieux nantis de la planète qui détenaient 70% de la richesse en 1960 en possédaient 85% en 1991.
          L'idéologie néolibérale, votre idéologie, nous présente comme un fait objectif inévitable un système qui concentre de plus en plus les richesses. On le sait bien, tout le discours sur la privatisation et sur la libre concurrence est empreint d'omissions sur les impacts réels. Les défenseurs de l'État minimal laissent miroiter des baisses de taxes, une réduction du déficit et une profitabilité accrue pour les sociétés privatisées, mais passent sous silence le bradage de biens collectifs, l'abandon de politiques sociales par les entreprises. On commence à se rendre compte que la majorité des citoyens en ressortiront perdants! 
  
Gabriel Koenigs
  
 

 
 
OTTAWA DOES NOTHING USEFUL
  
Hello,  
  
          Like Marc Fraser in the previous issue, I would like to congratulate you on your Budget for the year 1 (see LE BUDGET DE L'AN 1 LIBERTARIEN, le QL, no 59). Like him, I'd like to see a federal budget as well. However it must be said that this is easy.  
  
          The provinces do furnish useful services like health care and education, even if they do it badly. But, aside from external affairs and a few minor things (most of which it shouldn't be involved in), the federal government does nothing useful. A proper budget would be in the range of a few billion dollars. Remarkably, it still manages to spend more money than the provinces and the municipalities together.  

          This is another application of Parkinson's First Law: bureaucracy expands to spend all the money allocated to it. This fact is then used as proof that it doesn't have enough. Which is why throwing money at health care makes the lines grow longer. 

          Yours truly, 
  

David MacRae
Ville St.-Laurent
 
 
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