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Montréal, 5 août 2000 / No 65 |
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par
Gilles Guénette
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L'art
de réinventer la roue
Depuis que la loi sur la propriété intellectuelle existe,
des entrepreneurs y ont recours pour protéger leur secteur de la
concurrence. Une vingtaine d'années plus tard, ces mêmes éditeurs poursuivaient des stations de radio pour qu'elles aussi payent des royautés sur les pièces diffusées. Les responsables des stations affirmaient à l'époque que leurs programmes étaient gratuits et qu'ils favorisaient la vente de feuilles de musique. Comme on le sait, les radios payent aujourd'hui des royautés sur le matériel qu'elles utilisent.
Lorsque les cassettes audio et plus tard les cassettes vidéo ont
fait leur apparition sur le marché, les majors du cinéma
et de la musique ont aussi sursauté.
On le voit, les gros joueurs ont toujours le même réflexe
lorsqu'un nouveau support fait son apparition: ils tentent de le faire
disparaître. Parce qu'ils ne le peuvent pas, ils se tournent immanquablement
vers l'État, question de convaincre quelques politiciens d'intervenir
et imposer une nouvelle taxe ou adopter un quelconque décret (voir
ON CONNAÎT LA CHANSON II,
le QL, Mordre la main qui nous nourrit Réalisée au mois de mai dernier auprès de 1,415 Canadiens (de 12 ans et +), la 3e édition de l'étude In the Name of Cool du Solutions Research Group révèle que 73% des internautes qui utilisent les services de Napster au pays ont acheté quatre disques compacts ou plus au cours des six derniers mois (comparativement à une moyenne de 49% pour les non-internautes) et qu'ils ont consacré environ 2.8 heures par jour à l'écoute de musique (comparativement à une moyenne de 2.1 heures dans le reste de la population).
« Most early adopters of Napster in Canada are passionate music
fans – they score right off the scale on virtually every measure of interest
in music. They are above-average music buyers – and many are influencers
who turn their friends onto their favourite new songs and artis
Les internautes qui fréquentent les sites d'échanges sont
avant tout des passionnés de musique et de loyaux fans. Ils se sont
approprié le médium, l'utilisent sur une base quotidienne
et ont une grande influence sur leur entourage immédiat. En poursuivant
les propriétaires de sites comme Napster, Gnutella ou MP3.com sous
prétexte qu'ils encouragent le piratage, les maisons de disques
ne réussissent qu'à se mettre à dos ces clients potentiels
(plusieurs pétitions, dont la Boycott-RIAA
qui invite les consommateurs à boycotter les produits que représente
la RIAA, circulent déjà sur le net). Au lieu d'avoir recours
à de telles tactiques de marketing, elles devraient s'interroger
sur les causes profondes de cette nouvelle tendance.
Selon Edward Skira, consultant pour l'étude In the Name of Cool,
D'ailleurs, les statistiques sur les ventes de disques compacts font mentir
les propos alarmistes de ceux qui soutiennent que la popularité
des MP3 a une incidence négative sur l'industrie: les chiffres démontrent
que les ventes sont à la hausse aux États-Unis depuis le
début de l'année. Le seul secteur qui semble être touché
par le phénomène MP3 est celui du hip hop parce qu'il s'adresse
à une clientèle jeune et sans le sou. Tous les autres secteurs
se portent bien.
Nous dirigeons-nous vers un univers où les produits culturels seront gratuits – les artistes faisant leur argent ailleurs? Ou sommes-nous en train de créer un monde dans lequel les échanges de produits culturels sont compliqués et hyper réglementés? Dur de prédire l'avenir. Pour l'instant, avec les possibilités grandissantes d'échange et de copiage qu'offre internet, les créateurs et leurs nombreux représentants se font de plus en plus entendre. Déjà, ils fourbissent leurs armes, s'organisent et revendiquent différentes formes de compensations.
Ainsi, dans la foulée du jugement Patel, la SOCAN
(Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs
de musique) et la CRIA
(Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement) réclament
que les établissements commerciaux (tels les bars, les magasins
et les restaurants) qui diffusent la musique de stations de radio soient
tenus, au même titre que ces dernières, de payer des royautés
– présentement ce sont les radios qui payent les royautés
sur les pièces qu'elles diffusent, leurs auditeurs étant
considérés comme des Ce genre de réglementations, s'il n'entraîne pas une diminution de l'offre culturelle (plus d'espaces silencieux dans les centre-villes des grandes cités – ce qui n'est pas nécessairement une mauvaise chose... mais bon), entraînera très certainement une hausse des coûts pour le consommateur. À qui pensez-vous que le commerçant va refiler la facture pour les royautés à payer? Eh oui! Et où cela s'arrête-t-il? En serons-nous bientôt réduits à taxer nos amis lorsqu'ils viennent souper à la maison et qu'on a le malheur de leur faire écouter un disque? Hmm... Dans le vrai monde On le voit, la question des droits d'auteurs en est une des plus délicates – difficile de faire le tour et de trancher d'un côté ou de l'autre dans le cadre d'un petit article. Disons pour l'instant que les créateurs et leurs représentants (qu'ils soient d'associations ou d'entreprises cotées en bourse) ont intérêt à travailler avec ceux qui créent les nouvelles technologies et non contre eux. Et qu'une éventuelle fermeture de Napster ne donnerait rien à court, moyen ou long terme – les internautes qui fréquentent l'endroit se tourneraient simplement vers d'autres alternatives (Gnutella, Freenet, CuteMX, Scour.com, etc.) pour continuer de télécharger leurs chansons préférées.
De plus, la configuration du net rend la répression à toute
fin impossible. Les échanges de fichiers ne se font plus à
partir d'un point central et facilement repérable comme c'était
le cas auparavant. Depuis l'arrivée de Napster, ils se font d'un
internaute à un autre (peer-to-peer). La nouvelle génération
de sites d'échanges – et les prochaines – ont un net avantage sur
la première: ils ne stockent pas de fichiers. Les MP3 sont entreposés
sur les disques durs des utilisateurs. Et à moins de localiser chaque
internaute
La loi sur la propriété intellectuelle semble bien plus profiter
à de grosses entreprises comme Walt Disney Co., Sony Corp. et Time
Warner Inc. et aux associations officielles (RIAA, SOCAN, CRIA, etc.) qu'à
l'ensemble des artistes qu'ils représentent. La très grande
majorité des musiciens et chanteurs de ce monde ne sont pas des
Britney Spear ou des Ricky Martin. Et pour la majorité d'entre eux,
internet est une opportunité extraordinaire de se faire connaître
et de propager ses idées. Se servir des droits d'auteurs pour réglementer
le net ne servirait à personne.
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