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Montréal, 28 octobre 2000 / No 70 |
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par
Patrick Gonzalez
Un petit mot en réponse à la lettre de M. Pierre Desrochers parue dans le Québécois Libre du 30 septembre 2000 (voir LA MATHÉMATISATION DE L'ÉCONOMIE: LA MODÉRATION A BIEN MEILLEUR GOÛT (première partie), le QL, no 68). Je ne tiens pas outre mesure à rediscuter de la mathématisation de l'économie mais je veux bien répondre à l'évocation de l'anecdote rapportée par M. Mitchell Waldrop. |
La
valeur d'une hypothèse
La position méthodologique dominante dans la profession à l'égard de l'emploi des hypothèses est celle énoncée par Milton Friedman dans son article classique The methodology of positive economics (1953): Viewed as a body of substantive hypotheses, theory is to be judged by its predictive power for the class of phenomena which is intended toEn bref, selon Friedman, on ne juge pas de la valeur d'une hypothèse par son degré de vraisemblance mais par le degré de précision des prédictions qu'elle permet de faire. L'essai de Friedman a été (et est toujours) abondamment analysé, discuté, critiqué, etc. Daniel Hausmann qualifie cet essai de Ainsi, qu'une hypothèse semble Ainsi, les économistes sont assez libéraux quant aux hypothèses qu'ils posent à l'égard de propositions non vérifiables. Par exemple, de supposer qu'un consommateur est parfaitement rationnel peut sembler Je ne suis pas spécialiste de la méthodologie en sciences sociales aussi s'agit-il d'un point très standard en économique. Personnellement, je suis à l'aise avec cette méthodologie et je n'ai jamais très bien vu en quoi la méthodologie employée dans les sciences naturelles serait supérieure. Par exemple, je souligne souvent à mes étudiants qu'il n'est pas né le physicien qui pourra me donner une prédiction quant à savoir où aboutira un billet de 100 $ laissé sur la chaussée, à l'heure de pointe, par un jour de grand vent (en revanche, la théorie économique permet de prédire qu'il a de grandes chances d'aboutir dans les poches d'un heureux passant...).
Enfin, en ce qui concerne Les idées des auteurs d'hier, qui nous apparaissent simples et claires aujourd'hui ne l'étaient sans doute pas pour leurs contemporains. Que penserait-on d'un ingénieur qui qualifierait de futiles les mathématiques modernes parce qu'elles ne lui permettent pas de construire de meilleurs ponts ou qu'elles ne se substituent pas avantageusement au calcul différentiel et intégral qu'il apprit au collège? C'est exactement la même chose avec les idées économiques. On peut fort bien se satisfaire, comme économiste À ce chapitre, et bien qu'elles soient assurément aussi Réponse de Pierre Desrochers M. Gonzalez, Merci de ce commentaire. Je ne suis pas non plus spécialiste de la méthodologie en sciences sociales et j'avoue personnellement ne jamais avoir compris l'essai de Friedman (que je me suis tapé il y a quelques années). Il me semble toutefois qu'un astronome qui partirait du principe que la terre est plate, qu'elle est au centre du système solaire et que le soleil gravite dans son orbite ne risquerait pas d'aboutir à une théorie très satisfaisante, même si ses prédictions étaient occasionnellement corroborées. Il me semble également qu'il y a deux sortes de prédictions en économie. Les premières sont celles où les économistes contemporains sont particulièrement mauvais, comme par exemple celles résultant de l'emploi de modèles mathématiques complexes visant à prédire l'évolution du PIB ou de l'inflation au cours de la prochaine année. Les secondes résultent d'une compréhension plus qualitative des processus de marché où l'opinion des économistes est souvent minoritaire par rapport à d'autres experts, mais s'avère le plus souvent juste au bout de quelques années. Je pense ici à des cas comme l'impact des nouvelles technologies sur la création d'emplois (voir LA FIN DU TRAVAIL, UNE ABSURDITÉ, le QL, no 64) ou l'épuisement des ressources naturelles dans les économies en forte croissance (voir LES BOLCHÉVIKS DE L'ENVIRONNEMENT, le QL, no 36). Dans ce deuxième cas toutefois, je ne suis toujours pas convaincu que le formalisme mathématique a vraiment contribué à clarifier les choses. Amicalement, P. D.
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