Montréal, 9 décembre 2000  /  No 73
 
 
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COURRIER DES LECTEURS
  
LIBRE DE SE FAIRE RABOUTTER
 
 
Re: BELLE DE JOUR, le QL, no 72 
 
Bonjour Madame Pellerin 
  
          Je vous lis religieusement à toutes les parutions de cette merveille qu'est le QL. Ce n'est pas que je vous trouve particulièrement drôle ou intelligente, c'est plutôt comme une fâcheuse curiosité intellectuelle. À peu près comme lire le Journal de Montréal en mageant des hot-dogs dans un snack-bar. On ne réussit pas à trouver ce qui nous intéresse dans ce ... papier, mais on y reste accroché.  
  
          Vous m'avez fait toute une frousse cette semaine quand votre libertarianisme a été ébranlé par une histoire de jambes trop courtes. Vous situez bien le dilemme que vous auriez si votre fille décidait d'en faire autant. Heureusement, vous vous êtes resaisie. J'ai toutefois eu le goût de continuer sur votre réflexion. Imaginons une suite... 
  
          Êtes-vous capable de me dire comment vous feriez pour « bien vivre » la tragédie (poussons les suppositions) de votre fille nouvellement handicapée suite à ce genre d'opérations? « Ma fille, t'as décidé seule de te faire raboutter les bouttes, assume ton histoire jusqu'au boutte! » Seriez-vous réellement capable de tenir de tels propos, et surtout de vivre les conséquences de tels propos? Vous écrivez à la fin de votre article « C'est à elle seule de décider. Et je lui souhaite d'avoir bien choisi. » Le mépris que je porte à la pensée libertarienne s'actualise justement par ce genre de conclusion. Est-ce que la libertarienne en vous peut m'expliquer? 
  
          Merci. 
  
Jean-François Labadie
GRIS, Faculté de médecine
Université de Montréal
 
 
Réponse de Brigitte Pellerin:  
  
Bonjour M. Labadie,  
  
          Alors là, vous m'avez bien coincée. Je n'avais pas poussé la réflexion aussi loin, et je vous remercie de me forcer à le faire.  
  
          Je n'ai pas (encore) d'enfants, alors tout ce que je dirai devra être pris avec un grain de sel. Apparemment, les gens changent quelque peu une fois devenus parents.  
  
          Alors ma fille de 16 ans décide de se faire opérer, bien que je sois en désaccord. Malheur, l'opération tourne mal. Que fais-je? Est-ce que je la laisse se démerder toute seule, en lui rappelant qu'elle a elle-même pris la décision de se faire charcuter?  
  
          Je ne pense pas. D'abord, ma fille ne serait pas là si je n'avais pas moi-même pris la décision d'avoir des enfants. Décision! Que dis-je, c'est un engagement dont il s'agit. Un engagement complet, total, sans réserves. L'engagement de faire de mon mieux pour leur enseigner ce que je sais, pour les aimer et les protéger du mieux que je pourrai, et ce tant et aussi longtemps que je le pourrai. Cet engagement veut dire que peu importe les conneries qu'ils font, une mère n'abandonne jamais ses enfants.  
  
          Ensuite, je crois qu'elle pourra elle-même réaliser à quel point sa décision était une grosse bêtise. Un tel handicap se chargera de le lui rappeler chaque jour de sa vie. Je ne pense pas qu'elle ait besoin, EN PLUS, que sa mère lui rabâche les oreilles avec ça. Peu importe ce que je ferai ou dirai, c'est elle qui devra assumer son histoire jusqu'au boutte. 
 
B. P. 
  
 
  
  
VOUS NE SAVEZ PLUS RÊVER
 
 
Bonjour Monsieur Masse, 
  
          Je suis anarchiste et je viens de lire avec passion votre article L'ANARCHISME: ENTRE LA TYRANNIE LOCALE ET LA FOLIE RÉACTIONNAIRE (voir le QL, no 60) considérant en effet qu'en tant que partisan d'un point de vue, je dois aussi admettre la critique et les points de vue opposés. 
  
          J'ai noté plusieurs choses désolantes à propos de votre texte: 
1 - Vos exemples sont caricaturaux: vous parlez des différents courants anars en omettant volontairement de préciser que la plupart des tendances citées sont très minoritaires, la principale tendance anarchiste étant le modèle autogestionnaire. 
  
2 - Vous dénoncez notre soi-disant nihilisme mais votre argumentation est plus destructive qu'autre chose: vous qui nous critiquez si facilement, proposez donc des solutions si la nôtre n'est pas la bonne! 
  
3 - L'anarchisme n'a rien d'utopique pour la simple et bonne raison qu'il ne se veut pas système parfait, loin de là. Évidemment certains aspects posent problème mais notre but est une société plus juste, que le capitalisme notamment, ce qui n'est pas vraiment difficile. Nous ne voulons pas le meilleur des mondes, mais un monde meilleur. 
          Dernier point (j'aurais aimé répondre plus longuement, mais l'ennui est que votre texte mériterait d'être repris point par point ce que je n'ai pas le temps de faire): Nombre de vos critiques touchent le soi-disant aspect « utopique » de cette pensée. Or nous ne croyons pas (contrairement à ce que vous semblez imaginer) que l'instauration de ce type de système peut se faire aujourd'hui. La plupart des anars sont conscients de se battre pour une cause pour l'instant perdue. Je n'ai que 18 ans et pourtant je ne crois pas voir quand je mourrai l'anarchie mise en application, je ne pense même pas qu'il y aura beaucoup plus d'anars que quand je suis né. Je suis conscient que cela ne sera pas possible avant des décennies, pour la simple et bonne raison que les hommes ne sont pas encore prêts à vivre dans un système de partage et de respect. Cela demande un civisme rendu impossible par la mentalité individualiste et concurrentielle générée par le capitalisme. Seulement je me bats pour que l'idéal anarchiste continue à vivre et c'est déjà beaucoup. Tant que des gens comme vous refuseront de se battre pour un système égalitaire et libre sous prétexte que c'est une cause perdue, ou que c'est de l'utopie, ce sera effectivement impossible. 
  
          Vous dites que l'anarchie engendrerait un système ou la population crèverait de faim... Regardez autour de vous et demandez-vous comment la situation pourrait être pire que dans notre système ou un tiers de la population mondiale n'a que la peau sur les os. 
  
          Notre but est effectivement, à long terme, la révolution. Mais cela ne nous empêche pas d'être pragmatiques: nos luttes se basent sur des combats qui n'ont rien de fictif, nous sommes sur le terrain pour lutter contre la précarité, l'exploitation, etc., et pour défendre les libertés, de la presse, individuelles, etc.  
  
          En espérant que vous ne me prendrez pas pour un de vos « jeunes étudiants excités et les frustrations existentielles des écrivains ratés et des barbus en mal d'utopies » 
  
          Vous critiquez notre point de vue, moi je vous propose de faire sur vous une petite introspection afin de découvrir ce qui vous incite à défendre des idées aussi simplistes et pleines de préjugés. Peut-être n'avez-vous jamais eu envie de changer les choses et que vous justifiez ça par un soi-disant réalisme... ou pire, que vous ne savez plus rêver...  
  
          « Soyons réalistes: demandons l'impossible! » 
  
Kazimir
 
 
Réponse de Martin Masse: 
  
Cher Kazimir,  
  
          Le tiers de la population mondiale (ou plus, ou moins, selon les définitions) qui est très pauvre vit dans des pays socialistes ou dans des sociétés primitives qui n'ont pas encore développé les institution de base d'une économie capitaliste industrielle. Au contraire, les populations les plus riches du monde vivent dans les pays – notamment le nôtre – où le capitalisme comme système économique s'est le plus développé (voir LA RICHESSE DES NATIONS LIBRES, le QL, no 71).  
  
          Si vous pouvez, à 18 ans, vous permettre de perdre votre temps à rêver à des utopies débiles le ventre rempli au lieu de travailler dans un champ pour survivre comme devaient le faire vos ancêtres d'il y a quelques générations, c'est grâce au capitalisme. Le capitalisme est le seul système qui produit de la richesse, c'est le système qui a permis l'augmentation rapide du niveau de vie qu'a connu l'Occident depuis 250 ans. Contrairement à vous, je suis très confiant que notre monde continue et va continuer jusqu'à ma mort à devenir plus prospère grâce aux bienfaits du capitalisme. 
  
          Je vous suggère de lire la centaine de textes dans ma page d'articles précédents si vous souhaitez savoir ce que je propose comme solutions, au lieu de prétendre que je n'en ai pas. Si vous vous donnez la peine de comprendre un peu mieux ce qu'est la perspective libertarienne, vous verrez par ailleurs que nous voulons nous aussi « changer les choses », mais bien sûr dans la direction de plus de capitalisme et de liberté individuelle.  
  
M. M.  
  
  
  
 
L'IMPÔT N'EST PAS DU VOL
  
  
          Dans sa réponse à monsieur Visse (voir L'IMPÔT, DU VOL?, Courrier des lecteurs, le QL, no 72), Pierre Lemieux émet sa conception de la nature humaine comme étant foncièrement égoïste: touchez pas à mes impôts... Or, bien que cette construction de l'esprit ne soit pas admise par tous, même ceux qui l'admettent en arrivent à d'autres conclusions eu égard à l'impôt. Rawls le démontre: l'être égoïste préférera nettement une forme avancée de justice redistributrice au laissez-faire du marché, cela pour son propre intérêt égoïste. L'impôt sert à tous dans la mesure où ceux qui payent maintenant pourraient être ceux qui en bénéficient demain; la seule garantie de ne pas se retrouver dans la rue si on perd son emploi est d'une utilité plus grande que de pouvoir garder tout son fric.  
  
          L'impôt n'est pas du vol et le comparer à l'esclavage est foncièrement démago, surtout lorsque cela vient d'une bande de petits bourgeois qui n'on jamais connu la shop: Lemieux est prof à l'université et Nozick aussi (ce dernier à Harvard, c'est rigolo). Je me demande si ces grands penseurs acceptent leur chèque de paye, même s'il vient de nos impôts... esclavagistes! 
  
Nicolas Quintal
Montréal
  
  
Réponse de Pierre Lemieux: 
  
          Primo, je suis « professeur associé », c'est-à-dire non payé; je ne reçois pas un sou de l'université, ce qui est peut-être dommage puisque je pourrais mieux lutter contre les flics armés qui travaillent pour notre lecteur – ou dont il croit qu'ils travaillent pour lui. Secundo, un des problèmes de Rawls, le seul et unique sauveur intellectuel de la tyrannie tranquille, est que ses contractants sont ignorants (voir à ce sujet, Anthony de Jasay, The State, Liberty Fund, 1998, p. 160 sq.). Je me demande d'ailleurs si notre lecteur ne ferait pas un bon candidat au poste de contractant social rawlsien. 
  
P. L. 
 
 
 
ATTENTION!
          Si vous en avez marre de vivre dans une société où l'hystérie nationaliste domine tous les débats; dans un pays où les taxes, les réglementations omniprésentes et le paternalisme des gouvernements briment la liberté individuelle et restreignent le dynamisme économique; dans une culture où le moutonnisme et l'égalité dans la médiocrité sont plus valorisés que l'individualisme et la compétition; dans un monde intellectuel où les soi-disant « consensus nationaux » promus par une élite déconnectée servent de prétexte pour éviter les débats rationnels; 
   
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