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Montréal, 16 février 2002 / No 98 |
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par
Gilles Guénette
C'est connu, le suicide est la toute première cause de mortalité chez les hommes de 20 à 40 ans au Québec et la seule qui soit en nette progression depuis les dix dernières années (voir: LE SUICIDE AU QUÉBEC: UNE HISTOIRE DE GARS, le QL, no |
La
pub, remède à tous les maux
Nos campagnes de sécurité routière, soulignait Lépine, sont même tellement efficaces qu'elles servent de modèles ailleurs dans le monde. En 20 ans, soit de 1978 à 1997, le Québec a réussi à réduire de plus de 76% le taux de mortalité sur les routes de la province. Plusieurs se posent cette même question. Le coroner Pierre Gagné suggère qu'on entreprenne une audacieuse campagne de publicité afin de contrer la banalisation du suicide: Pour démontrer le sérieux de la chose, les reporters de la SRC se sont attardés aux campagnes menées par la SAAQ (la Société d'assurance automobile du Québec) depuis quelques années pour réduire le nombre de décès reliés à l'alcool sur nos routes. On apprend que durant les dix dernières années, la SAAQ a investi plus de 18 millions de dollars dans sa lutte contre l'alcool au volant. L'an dernier seulement, Québec dépensait près de Pourtant, comme on nous le souligne dans le reportage, la route fait beaucoup moins de victimes que le suicide: 762 contre 1527 suicidés en 1999. Si on note une chute appréciable du nombre de décès sur les routes depuis 1975 – de 1893 à 762 décès –, on ne peut pas en dire autant du nombre de suicides survenus durant cette même période – en constante progression, ils sont passés de 582 à 1549. En près de 25 ans, les courbes se sont presqu'inversées, observe-t-on. Ce que les propos de l'équipe de Zone Libre laissent entendre, c'est qu'on pourrait réduire le nombre de suicides au Québec, de la même façon qu'on a réduit le nombre d'accidents sur nos routes, en utilisant l'expertise de la SAAQ et en lançant de vastes campagnes de sensibilisation. Pourtant, comme le souligne Claude Dussault, chef de la stratégie en sécurité routière à la SAAQ, En d'autres termes, l'automobiliste qui risque de voir inscrire des points d'inaptitude à son dossier de conduite à la SAAQ, de payer d'importantes amendes pour infraction au code de la route, de voir son permis de conduire suspendu (ou révoqué), ou même de se ramasser en prison s'il est surpris à conduire un véhicule en état d'ébriété, a intérêt à ne pas boire avant de prendre le volant. Ce n'est pas que les campagnes de publicité qui ont modifié son comportement. Même chose pour la cigarette. On ne peut pas dire que les campagnes de sensibilisation ont eu raison à elles seules des habitudes des fumeurs. Les nombreuses législations introduites dans ce domaine – comme l'interdiction de fumer dans tout lieu
Si l'on se fie aux propos de M. Dussault, lancer de vastes campagnes publicitaires sur le suicide n'aurait (peut-être) qu'un impact à court terme sur le nombre de suicides chez les jeunes hommes. Pour que de telles opérations aient un impact à long terme, il faudrait combiner publicité à surveillance policière et changements législatifs. Imaginez des agent(e)s de la Sûreté du Québec arrêtant des automobilistes sur les autoroutes de la province – comme ils le font à répétition dans le cadre d'opérations barrages routiers – ou des consommateurs dans les centres d'achat pour leur demander s'ils avaient songé au suicide dernièrement en leur remettant de petits pamphlets de sensibilisation... Difficile de légiférer dans un domaine où les seules victimes réelles ou potentielles sont les personnes qui mettent fin à leurs jours – et leur entourage immédiat. On ne peut tout de même pas rendre le suicide illégal, les personnes qui s'enlèvent la vie ne sont plus là (dans la plupart des cas) pour recevoir leur sentence. Il fut un temps où les personnes qui se suicidaient allaient tout droit en Enfer... mais ce temps est révolu. Les reporters radio-canadiens ne poussent toutefois pas leur raisonnement si loin. Lancer l'idée d'une campagne La Stratégie québécoise d'action face au suicide dont il est question ici ne fait aucunement mention de campagnes de publicité pour lutter contre le phénomène – ce qui est tout de même étonnant de la part d'un gouvernement qui multiplie les campagnes de publicité pour tout et pour rien (voir: CE MESSAGE D'INTÉRÊT PUBLIC A ÉTÉ RETENU ET PAYÉ PAR... VOUS, le QL, no 60). Elle se limite à assurer des services d'écoute et de counselling aux personnes suicidaires et ce, 24heures/24, 7jours/semaine, à la grandeur du territoire – un point qui s'avère faux, s'empresse-t-on de nous dire. Dans certaines régions du Québec, de tels services ne sont offerts que de 9h00 à 17h00, du lundi au vendredi. Les témoignages de parents et d'intervenants, auxquels est consacrée cette seconde moitié du reportage, mènent tous dans une même direction: il est inadmissible qu'on ne fasse pas tout ce qui est humainement possible pour tenter de sauver ne serait-ce qu'une seule vie. La vie n'a pas de prix. Bien sûr qu'il faut sauver des vies, mais pas à n'importe quel prix. La vie a un prix, sinon il n'y aurait pas de listes d'attente dans nos hôpitaux. Sinon, combien faudrait-il débloquer de fonds publics pour chaque personne potentiellement suicidaire? On aura beau mettre sur pied des centaines de ligne 1-800, augmenter le ratio intervenant(e)s de la santé / citoyens, lancer de nouvelles campagnes de sensibilisation à toutes les semaines, si on ne trouve pas ce qui fait en sorte que les jeunes hommes se suicident davantage au Québec que partout ailleurs au Canada – et même, toute proportion gardée, dans le monde industrialisé –, on ne réglera rien. Et on continuera de jeter de l'argent par les fenêtres. Et on continuera de perdre nos hommes. En attendant... Il y a des schizophrènes, des dépressifs chroniques, des personnes atteintes de troubles mentaux qui s'enlèvent la vie dans le lot. Il faut soigner ces gens comme il se doit, on n'en sort pas. De proposer qu'on traumatise toute une population en lui montrant des images de personnes qui se pendent ou qui se font sauter la cervelle sous prétexte qu'il faille aider ceux qui envisageraient d'avoir recours à ces méthodes pour mettre fin à leurs jours est irresponsable. Une personne qui songe à s'enlever la vie ne changera pas d'avis après avoir vu une publicité l'implorant de ne pas le faire. Une campagne de pub sur le phénomène du suicide, aussi percutante soit-elle, n'aura jamais l'impact qu'ont connu celles de la SAAQ sans les deux ingrédients mentionnés plus haut – surveillance policière et changements législatifs. Et ces deux ingrédients sont à toute fin pratique inapplicables dans ce cas-ci. En attendant de savoir ce qui pousse les hommes à se suicider davantage au Québec, plusieurs solutions sont imaginées pour accentuer la prévention: certains demandent qu'on interdise aux piétons l'accès aux ponts de la grande région métropolitaine (La Presse, 1 février 2002); la Société de transport de Montréal lance une campagne de sensibilisation pour inciter les usagers du métro à signaler tout passager qu'ils soupçonnent vouloir intenter à sa vie (La Presse, 7 février 2002); une ligne sans frais, 1-866-APPELLE, est entrée en vigueur début novembre 2001 pour l'ensemble du territoire; des dizaines et des dizaines d'organismes d'aide multiplient leurs efforts pour répondre au jour le jour aux personnes en difficulté, etc. Malgré tout, les hommes continuent de se tuer... Ces services sont-ils adaptés? Certains disent que non. Selon les gens de L'après-rupture, un groupe qui vient en aide aux pères de famille en difficulté, À voir la situation qui prévaut dans notre réseau de la santé, les montants attribués par Québec et le nombre de spécialistes de la santé affectés à ce problème ne seront jamais suffisants. Malgré le sérieux de la chose, nous serons toujours à la remorque des événements. Ne vaudrait-il pas mieux s'attarder aux causes du suicide chez les jeunes hommes, plutôt que de toujours tenter de trouver de nouvelles façons de leur venir en aide? Par où commencer? Qui ou quoi blâmer?
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