Montréal, 27 avril 2002  /  No 103  
 
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POLITIQUE
 
PRÉSIDENTIELLES FRANÇAISES:
DES RÉACTIONS AU PREMIER TOUR
  
 
          Le premier tour des élections présidentielles françaises a causé toute une surprise lorsque le candidat du Front national, Jean-Marie Le Pen, est arrivé en deuxième place devant le premier ministre et candidat socialiste Lionel Jospin, qui quitte la vie politique. Lors du deuxième tour le 5 mai, Le Pen affrontera donc le président sortant Jacques Chirac. 
  
          Dans cet affrontement entre les candidats dits « de droite » et « d'extrême droite » (les deux offrant toutefois des programmes largement étatistes), quelle est la meilleure conduite à adopter pour faire avancer la liberté? Voter Chirac, Le Pen, ou s'abstenir? Des collaborateurs et lecteurs du QL ainsi que des confrères d'autres publications offrent des points de vue divergents ci-dessous. Voir également dans ce numéro ALAIN MADELIN, OU LA FAILLITE DU CRYPTO-LIBÉRALISME, LE PEN EST-IL UN NAZI? ainsi que ABSTENTIONNISTES, LEVEZ-VOUS!, de même que CAN LIBERTARIANS SUPPORT LE PEN par Cécile Philippe sur le site de LewRockwell.com. 
 
DE L'EXCEPTION FRANÇAISE À LA HONTE FRANÇAISE
  
 
          Jean-Marie Le Pen, qui se présente comme « socialement de gauche et économiquement de droite », est le pur produit de cette quête illusoire de la troisième voie dont se réclame la classe politique française. Il est donc curieux de s’étonner de la résurrection de la bête immonde alors que la plupart des hommes publics et des médias lui ont préparé le terrain à force de diaboliser la mondialisation et l’économie de marché. 
  
          La France est, depuis quelques temps, bloquée dans une situation étrange: presque tout le monde semble faire le même constat d’immobilisme et de crispations qui paralysent à la fois la société et le pouvoir, et entretiennent un divorce croissant et dangereux entre la société et ses élites; mais personne ne veut assumer la responsabilité d’un véritable changement. Avec la cohabitation devenue une pratique du pouvoir, c’est l’institutionnalisation du « ni-ni » qui s’est progressivement imposée: ni « grand bond en avant », ni retour en arrière; ni libéralisme, ni socialisme; « oui à l’économie de marché, non à la société de marché. » 
  
          Plus étrange et plus grave, alors que nos dirigeants et les candidats au poste suprême proclament haut et fort qu’ils ne veulent, pour la France, ni du capitalisme sauvage à l’américaine, ni du communisme réel à la mode soviétique, déclinant le thème de la troisième voie entre socialisme et libéralisme, ils ne voient toujours pas que la France est justement en panne de croissance et d’idées parce que bloquée dans cette illusoire troisième voie. Et le blocage entraîne le pourrissement, terrain favorable à l’expression des extrêmes. Qu’ils soient étiquetés de droite ou de gauche, les extrêmes se rejoignent dans les clichés de la pensée populiste et démagogique. 
  
          Les militants d'extrême-gauche et tous les fanatiques de la secte ATTAC ont beau jeu aujourd'hui de manifester contre la montée de l'extrême-droite alors qu'ils ont contribué à son succès en banalisant un discours anti-capitaliste aussi simpliste que dangereux. 
  
Jean-Louis Caccomo
  
  
  
  
IL EST TEMPS D'ENFONCER LE CLOU
  
  
          Je pense, aussi saugrenu que cela puisse paraître à une foule de gens, que le vote Le Pen manifeste une aspiration à un système plus démocratique, et d'ailleurs le candidat Chirac vient tout soudain de mettre à son propre programme le « référendum d'initiative populaire » que le « danger pour la République » Le Pen a dans le sien depuis vingt ans. Dans tous les cas, c'est toujours ça de gagné. 
  
          Je crois que Le Pen, dans l'état actuel des choses, a bien « roulé pour nous », dans la mesure où la technocratie jacobine va devoir lâcher quelques points sur le terrain de ses attributions de Droit Divin (renommé opportunément « Droit de l'Homme » pour servir d'arme contre les opposants), et de plus l'exhibition comme « modèle » de cette version falsifiée et universaliste des « Droits de l'Homme » va devenir de plus en plus ridicule, quand son échec vient d'être révélé brutalement au monde entier. 
  
          Le Pen n'est sans doute pas, fondamentalement, un libéral « pur sang » (si je peux me permettre une petite métaphore génétique, mais non raciste). Mais il vient soudainement de faire plus pour le libéralisme politique que ne l'a fait par exemple le technocrate Giscard d'Estaing quand il était au pouvoir. Quand un peuple a goûté à la liberté, il ne retourne en arrière que contraint et forcé. Si Giscard avait fait quoi que ce soit dans le sens du libéralisme politique, ça se saurait. Tout au contraire, le technocrate « libéral » Giscard a décrété le regroupement familial, qui est l'une des principales causes du chaos d'aujourd'hui. Aurait-il eu le bon goût de consulter son bon peuple qui allait en supporter les conséquences? Que nenni, mon bon monsieur. 
  
          Si les libéraux officiels ne sont pas libéraux dans la réalité, pas étonnant que l'extrême droite reprenne les idées libérales. Parce que, évidemment, qui rechignerait devant la perspective d'avoir enfin un peu le droit de gérer sa propre vie? Et parce que ce sont, bien sûr, d'excellentes idées, que personne dans la technostructure ne voudrait défendre, et qui se sont trouvées disponibles à qui voudrait les prendre. Il se trouve que c'est Le Pen qui les a reprises. L'histoire trouvera sûrement ce phénomène paradoxal; je ne serais pas étonné qu'elle s'interroge aussi sur ce qu'a été le libéralisme « à la française ». 
  
          Donc: ENFONÇONS LE CLOU, pour une fois qu'on en a l'occasion. Avec un peu plus de pression, peut-être Chirac va-t-il lâcher l'élection des magistrats et des policiers, ou même des garanties sur la liberté d'expression? ou même le droit pour les citoyens de porter des armes? (non, là, faut pas rêver, c'est un monopole qu'ils ne lâcheront jamais – c'est pourtant essentiel, bien plus que le monopole d'EDF, quand on y réfléchit trois secondes). 
  
Jean-Marc Lepers
  
  
  
  
J'AI HONTE!
  
  
          Dimanche soir, quelques minutes après le choc qui a secoué la France, on a vu une jeune fille traverser l'écran, avec un t-shirt blanc où elle avait écrit au feutre: « 21 avril 2002, 20h01' – J'ai honte! » Elle avait les bras ballants et le regard vide, et je crois qu'elle symbolisait à la perfection l'état d'âme et d'égarement de millions de Français. Cela m'a inspiré le poème ci-après. 
  
    21 avril 2002, 20h01' – J'ai honte! 
      
    Honte de mon pays qui m'a glacé le sang 
    Honte de Paris à Vienne en passant par Rome 
    Honte de la bêtise et honte d'être un homme 
    Honte de tous ces politicards indécents 
      
    Selon qui c'est la faute à droite, à gauche, au centre 
    Mais toujours celle de l'autre, jamais la leur 
    Honte à vous qui semez la haine et le malheur 
    À vous qui ne pensez qu'à vous remplir le ventre 
      
    Et les poches sur le dos des honnêtes gens 
    En immolant nos vies sur l'autel de l'argent 
    Honte de leur arrogance et de leurs mensonges 
      
    Et Honte de ceux qui pavoisent de fierté 
    En cette heure de Deuil, de Deuil de tous nos songes 
    De Liberté, d'Égalité, de Fraternité
  
          Voilà. Ce poème est un cri, et je voudrais qu'on l'entende jusqu'au Québec.  
  
          Tristement, 
  
Jean-Marie Le Ray
Rome
  
  
  
  
POURQUOI JE VOTERAI LE PEN
  
  
          Après le cataclysme du 11 Septembre, voilà que les libéraux sont à nouveau tombés dans des abîmes de perplexité avec l’épisode Le Pen. Entre les hauts cris « halte au nazisme » et la volonté de faire vaciller plus encore un système politique chancelant, quel discours tenir, et pour les libéraux Français, que voter? 
  
          NON au trotsko-socialo-communo-écolo-conservatisme! Le Frankeinstein « républicain » penche nettement plus à gauche qu’à droite, aussi bien dans le décompte des voix que du point de vue idéologique: 9 600 000 pour la droite, 12 215 000 pour la gauche! Jacques Chirac n’aura donc aucune légitimité en tant que président de droite, et les élections législatives devraient le confirmer. Il faut faire bien des paris pour croire que l’électorat du Front national n’est constitué que de « protestataires », car la protestation s’inscrit nettement dans la durée et qu’aucune donnée fondamentale n’a changé pour les électeurs du FN. Et aucun déchaînement médiatique n’y changera quoi que ce soit, au contraire. 
  
          Voter Chirac, c’est dire oui à la stratégie de la gauche de diabolisation du FN, d’exclusion totale de près de 5 millions d’électeurs, d’ailleurs Chirac lui-même l’a adoptée cette stratégie, qualifiant le FN de parti « raciste, xénophobe et antisémite » lors de son meeting de mardi à Rennes. Voter Chirac, c’est condamner la droite à perdre durablement tout espoir de construire une majorité parlementaire. Voter Chirac, c’est abandonner toute idée d’une droite avec des valeurs de droite, puisqu’elle ne sera jamais que le pantin des manipulations de la gauche. 
  
Un vote pour le libéralisme? 
  
          Je voulais axer une seconde partie de mon argumentation sur un renouveau libéral possible avec Le Pen, mais son programme est mitigé sur ce plan. Par exemple il veut faire une juridiction de l’information, qui veillerait au respect de l’éthique, de la pluralité ou d’autres conneries. Je vois mal comment cela ne tournerait pas à la censure! Il y a aussi l’appui à la culture « française », encore et toujours hélas. Il veut bien sûr du protectionnisme, des aides pour l’exportation (oui oui, subventionner les étrangers qui achètent nos produits, quelle idée géniale, n’est-ce pas!?) 
  
          Par contre, il y a la proposition simple de supprimer la loi sur les 35 heures, la suppression de l’impôt sur la succession en ligne directe, l’allègement des réglementations... Il y aussi des réformes plus subtiles comme la fin de l’ENM, l'École nationale de la magistrature, moule de gauche des magistrats de France, le référendum d’initiative populaire, qui comme en Suisse permettrait aux simples citoyens de poser des questions... Il y a du bon et du mauvais en somme, mais comparé au programme de Chirac ou aux autres gauchistes, je préfère encore... Le Pen! 
  
          Le Pen est-il raciste? J’ai pris le temps de lire son programme concernant les questions d’immigration et de citoyenneté, directement sur le site du Front national. Je n’y ai rien lu qui soit raciste. En fait, tout y est question d’identité, d’attachements aux valeurs occidentales, et donc au fait qu’il faille absolument les affirmer pour conserver l’unité du pays, pour ne pas subir le sort de la Serbie, d’Israël ou du Cachemire. Et si certains s’en rappellent, j’écrivais déjà mes craintes à ce sujet dans les articles France 2020 (voir DEUX SCÉNARIOS POUR LA FRANCE À L'HORIZON DE 2020, le QL, no 93). 
  
          Pour que Le Pen ne se prenne pas une claque trop grande au second tour, je vais donc lui apporter mon soutien, en espérant naïvement faire prendre conscience aux politiciens de droite qu’il faut tenir compte du FN et surtout, des électeurs du FN. En tant que libéral, je pense que sans valeurs de droite affirmées haut et fort, il n’y aura pas de pôle libéral sans une vaste recomposition de la droite, initiée par l’alliance avec le FN. Là encore je pense me leurrer. Mais au moins, je me défoule... 
  
Hervé Duray
  
 
  
  
POURQUOI JE VOTERAI CHIRAC
  
  
          Je pense que tous les libéraux doivent absolument aller voter Chirac au second tour même si cela n'a vraiment rien d'enthousiasmant. 
  
          Voter Le Pen pour faire tomber le système actuel, déclencher une « révolution » est une très mauvaise idée, une idée dangereuse. En effet, quel sera l'ampleur et le coût de ces troubles? Aboutiront-ils au moins à un régime de liberté? On peut en douter vu l'audience qu'ont aujourd'hui les idées libérales en France (3%). 
  
          S'abstenir est également une erreur. Je comprends et je partage les positions contre le système démocratique, contre « la tyrannie de la majorité », mais l'enjeu du second tour n'est vraiment pas celui-là. L'enjeu du second tour, c'est de barrer la route au racisme, au protectionnisme, au nationalisme incarnés par M. Le Pen. Ne pas aller voter pour Chirac, c'est laisser la possibilité à Le Pen et à son programme raciste, absurde et liberticide de passer. 
  
          J'irai donc voter pour Chirac tout étatiste, malhonnête, dépourvu d'idées et de convictions qu'il soit et je pense que tous les libéraux devraient faire de même. 
  
Christophe Vincent
  
  
  
  
QUE FAIRE?
  
  
          Depuis le début de 2002, au moins trois bonnes nouvelles: Bourdieu est mort, on ne dira jamais assez de bien du temps qui passe... Les Soces se sont fait sortir de l'arène dans un état qui fait presque de la peine – eh oui! les jeux du cirque présentent quelques menus dangers... Les communistes sont virtuellement morts, les transfusions à haute dose de sang frais n'y ont rien fait. Le temps, encore le temps...  
  
          D'autres bonnes nouvelles? 
  
          Nos politiques, cette élite cultivée hors sol a si bien oeuvré, que nous voilà réduits à devoir choisir entre un monarque perdu et un dictateur en puissance! Bien évidemment les politiques n'ont aucune responsabilités! C'est la faute des Français, de l'Europe, de la mondialisation... Sont-ils capables d'analyser leurs erreurs? Je ne le crois pas. 
  
          Une chose est certaine, ce sont de vrais ingrats, pas un merci, pas un regret. Curiosité extrême, un seul cri, voter Chirac! Sans conditions! L'évêque s'en mêle! Quand Dieu nous abandonne complètement... Donc un seul vrai coupable, Dieu! il travaille trop lentement, au hasard. Dans notre système, il n'aurait jamais eu son BAC. 
  
          Écoutons les discours. L'un: Il est nul, je suis le rempart de la république. Question: y a-t-il trop de fonctionnaires (bureaucratie)? Votre question est stupide... texto! L'autre: Il est nul, je suis le paquebot France! tout ce qui est devant mon étrave sera coulé par le fond. Les médias affolés (pourquoi? quel profit?) crient d'une seule voix: tous aux remparts! Les médias italiens, pour ne parler que d'eux, se marrent comme des malades! Les Anglais, ces traîtres... 
  
          Que faire? Sans un contrat clair, explicite (avec des verbes), la tentation est très grande de leurs opposer la blague du ni-ni et de laisser faire le temps, ce grand arrangeur. Il faudrait arriver à convaincre les gens que rien n'est politique, les ajustements de proche en proche, ici et là, le principe cumulatif des connaissances, sont les seuls vrais artisans de notre destin. Les politiques nous font perdre du temps et gaspiller des richesses durement produites, vies humaines comprises. Dans l'arborescence des bifurcations, ils nous embrouillent gravement. 
  
Max Manouvrier
 
 
  
  
LE LIBÉRALISME, GRAND PERDANT DU 1e TOUR
  
  
          Voici quelques remarques concernant l'élection présidentielle: 
  • le libéralisme est, à mon sens, le grand perdant du premier tour de l'élection car Madelin n'a pas su montrer aux Français en quoi le libéralisme ne correspondait en rien à sa caricature (laisser-faire, loi de la jungle, etc.) et en quoi il pouvait résoudre un grand nombre de problèmes dont souffrent les Français (insécurité, hypertrophie de l'État, déclin de la France, etc.).
  • la Gauche a très bien géré sa défaite, d'abord en se faisant passer pour une victime afin de minimiser sa part de responsabilité dans la débâcle, ensuite en prenant l'initiative d'une croisade de jeunes contre un imaginaire danger « fasciste ». Les pauvres jeunes n'y ont hélas vu « que du feu ».
  • la Droite a été incapable de relativer le soi-disant danger « fasciste », Le Pen, tout abject qu'il soit, n'ayant rien à voir avec Mussolini ou Hitler, et la montée de l'extrème gauche étant toute aussi inquiétante pour la France que la montée de l'extrème droite.
  • je ne pense pas qu'un vote protestataire puisse faire avancer nos idées libérales lors du deuxième tour de l'élection présidentielle. Le libéralisme est « mort » avec la défaite de Madelin et ne « ressuscitera » que si un nouveau candidat libéral plus audacieux et charismatique que Madelin, se présente aux élections présidentielles dans cinq ans. En attendant, nous avons, nous autres libéraux, encore un grand travail de prosélytisme à faire.
  • je pense, par contre, qu'un vote protestataire, de quelque nature que ce soit, serait salutaire psychologiquement pour ceux d'entre nous qui ressentent le besoin de se défouler.
  • j'ai lu que Démocratie Libérale allait se fondre dans un grand parti de Droite. Si c'était le cas, je serai favorable à la création d'un nouveau parti libéral, animé cette fois-ci par des purs libéraux sans complexes et non des anciens du PR et du RPR.
          Cordialement, 
  
P. R.
  
  
  
  
LA FRANCE ÉTAIT FIGÉE, ELLE NE L'EST PLUS
  
  
          Il est difficile de juger les évènements du 21 avril. Voici très modestement quelques pistes. 
  
          Les pouvoirs les plus totalitaires peuvent vaciller. La France est soumise depuis 60 ans à un pouvoir de plus en plus totalitaire allant jusqu’à régenter la pensée. Tout « baignait » et le système était formidablement figé sur lui-même. Aujourd’hui plus rien ne « baigne ». Tout soudain le peuple français prend la parole. Le signe le plus visible était sur les plateaux de la télévision, le soir de l’événement, la mine déconfite de tous ceux qui se prétendent démocrates et qui ne le sont qu’à la condition de garder le pouvoir pour mille ans. 
  
          La France est, en très grande majorité, à droite. Le calcul mathématique des voix le montre, mais cela va bien au-delà de ce calcul. La vraie proportion est probablement de 80/20. Si depuis 60 ans, au moins, elle est gouvernée à gauche c’est parce qu’elle n’a pas eu de véritable choix. Les hommes qui dirigent des partis étiquetés à droite sont de coeur et d’action des hommes de gauche. C’est l’un des grands mensonges de cette époque. 
  
          Le mensonge, justement, ne paie qu’un temps. La France est abreuvée de mensonges officiels depuis 60 ans et ceci au plus haut niveau. Au cours de la soirée électorale on a vu les journalistes officiels poursuivre dans une multitude de mensonges; mais le mensonge des journalistes est, lui aussi, appelé à disparaître. Mensonge aussi dans les sondages; bien sûr on va nous dire que le métier est difficile et incertain: certes, mais pas à ce niveau. Si les sondages étaient faux, c’est parce que pour avoir les contrats on obéit au donneur d’ordres! 
  
          Le peuple dans ses profondeurs raisonne toujours mieux que les fausses élites. Sauf le faux pas de l’adhésion récente à l’ONU, le peuple suisse a pu résister jusqu’ici aux entreprises destructrices de ses politiciens, ceci grâce à l’arme référendaire. 
  
          Le déclin de la France, tout au long de ces soixante ans, est impressionnant. Pas un domaine de la vie nationale qui y échappe. Citons en vrac: écroulement des retraites, destruction de la santé, destruction de l’armée, disparition de la justice, manque de logements, illettrisme, désordres dans la rue..., mais arrêtons une énumération que chacun peut compléter et qui est immense. La liberté économique complète est le seul moyen de résoudre tous ces problèmes et de redonner à la France sa place dans le concert des nations. Il n’est pas sûr, cependant,  qu’il y ait des politiques qui le sachent vraiment et qui l’aient vraiment compris. Une vraie pédagogie est nécessaire. 
  
          Le Premier Ministre a bien réagi, ce qui est neuf. Cependant, un bel emploi fictif l’attend quelque part ainsi que le moment venu les retraites fastueuses des élus qui, par ailleurs, ont détruit les retraites des autres. En France il y a au moins un million d’emplois fictifs de fonctionnaires et cela conduit au dernier point. 
  
          Ces gens qui exploitent la « République Fromagère » depuis ces 60 ans à leur seul profit et pour leur seul enrichissement personnel sont bien dépités. Ils se croyaient propriétaires de la France et c’est la défaite des « fromagers ». Quels que soient le futur Président et les futurs députés, la tâche la plus importante est de détruire la « République Fromagère », c’est-à-dire l’organisation par la loi de l’enrichissement personnel des ministres, élus, Présidents et fonctionnaires – c’est ce système qui alimente dramatiquement le socialisme depuis des décennies et donc la ruine du peuple français. Un nouveau pouvoir doit renoncer à l’enrichissement pour lui-même d’abord avant de détruire l’enrichissement public aux niveaux d’en dessous. 
  
          Les « fromagers » ont subi une première défaite. C’est déjà encourageant. Mais la vraie Libération reste à réaliser. 
  
Michel de Poncins
  
  
  
  
LA FRANCE AUX CRO-MAGNONS
  
  
          LUNDI, LE 22 AVRIL 2002... Les Français nous font avaler de travers ce matin. J'ai l'impression que ce sont les « démons » de Dostoïevski qui remportent le premier tour des élections présidentielles. Le totalitarisme est à la mode au pays de Voltaire. La dictature de la Nation ne se tient jamais très loin de la dictature de la prolétariat. Ce n'est qu'une question de sémantique. Le totalitarisme de gauche ou de droite, c'est la même chose. Qu'on brandisse le drapeau rouge ou la photo de Jeanne d'Arc, c'est le même résultat qui doit être atteint par les rouges ou les fachos: l'abolition de la démocratie parlementaire ainsi que des droits et libertés de la personne. 
  
          Tous les médias de la France tiennent pour un séisme politique l'arrivée en seconde place de Jean-Marie Le Pen, candidat du Front national. Très peu se sont inquiétés du score obtenu par les candidats léninistes qui totalisent 11% du vote populaire. La démocratie se porte très mal en France. Elle pourrait se porter encore plus mal ici. D'aucuns souhaitent réformer notre mode de scrutin. L'exemple que nous donne la France, aujourd'hui, devrait nous forcer à réfléchir. Je préfère vivre sous le modèle parlementaire hérité des Britanniques plutôt que de voir des trotskystes ou des ultra-nationalistes faire leur entrée à l'Assemblée nationale du Québec. 
  
          Jean-Marie Le Pen a 74 ans. Il carbure aux grandes idées du maréchal Pétain. Sa mâchoire carrée se fait aller depuis un bon moment sur les thèmes chers à tous les bienfaiteurs de l'humanité... Les Français devront choisir entre Jean-Marie Le Pen et Jacques Chirac au second tour des élections présidentielles. Je crois qu'il vaudrait mieux qu'ils choisissent Chirac, le menteur, le félon, le corrompu, plutôt que Le Pen. 
  
          Je crains autant les communistes que les fascistes. Il se pourrait bien, pour paraphraser Cioran, que les générations futures considèrent Hitler comme un petit chef de bande de l'ère stalinienne. Les fascistes et les communistes semblent se détester, mais rassurez-vous: ils détestent encore plus la démocratie parlementaire! 
  
          Plus de 30% des Français ont voté pour des candidats qui méprisent la démocratie parlementaire. C'est très inquiétant. Si j'étais Français, je songerais à m'exiler en Angleterre... 
  
Gaétan Bouchard
Trois-Rivières (QC)
 
 
 
 
LES MAUVAIS JOUEURS DE LA DÉMOCRATIE
 
 
          « Vive la démocratie! » crient les têtes du troupeau français. Et lorsque le troupeau vote démocratiquement Le Pen, ils étouffent de rage.  
  
          Mauvais joueurs !! 
  
          Beaucoup espéraient évidemment que la démocratie tournerait toujours à leur avantage: intellos, bouseux, ronds-de-cuir, artistes fonctionnarisés... En prêchant la « justice sociale » et le « service public », valeurs réputées indépassables, ils comptaient baigner éternellement dans les flux financiers du socialisme. Rien que pour leurs bouilles effarées dimanche soir, j'aurais peut-être été tenté d'allumer la télévision. Mais l'affaire m'intéresse si peu que je n'ai appris les résultats que lundi soir. 
  
          Les autres mauvais joueurs ont confondu liberté et démocratie. Ils ont oublié qu'on ne saurait logiquement remettre son pouvoir au roi, à une junte, à l'électorat, et imaginer qu'ils vont gouverner comme on voudrait. Un fois donné, c'est donné, et retenir ne vaut, dit l'adage. Que vous jouiez à la roulette russe ou à la démocratie, comprenez que vous risquez gros. Ceux qui n'aiment pas perdre ont donc une alternative: 
  • ou bien ils persuadent le monde, à coups de bottes s'il le faut, qu'ils doivent être toujours gagnants (mais les toujours perdants ont fâcheusement tendance à contester cette règle);
  • ou bien ils ne doivent pas abandonner une once de leur pouvoir aux hommes de l'État, et chacun conservant le sien, nul n'en acquiert plus que les autres. C'est la société des hommes libres.
          Sans État, pas de Le Pen chef d'État, c'est aussi simple que cela. 
  
          Les gens ont du mal à concevoir cette société sans pouvoir politique. La raison est qu'au fond d'eux-mêmes, ils rêvent de l'exercer. Réjouissons-nous donc du fort taux d'abstention à ce dernier scrutin, il renforce une tendance lourde, repérable aussi dans d'autres pays. S'abstenir, c'est priver le pouvoir de légitimité. C'est faire preuve d'intelligence. Car enfin, il faut un QI de phoque pour se plier à un système qui désigne le président le plus puissant de la planète à une majorité de quelques bulletins illisibles, et qui entraîne aujourd'hui nos intellectuels, qui détestent Chirac, qui le savent corrompu et rejettent ses idées, à faire campagne frénétiquement pour lui. Quel jugement porteront les historiens dans 50 ans sur notre maturité? 
  
          Il n'existe pas d'électeur innocent. Tous, même en votant blanc, ont légitimé le résultat de Le Pen. Ils ont joué et sont donc responsables du score. Seuls les abstentionnistes ont le droit de dire « Nous n'avons pas voulu cela ». Le 5 mai, comme à toutes les élections depuis 30 ans, je m'abstiendrai. Tout être humain, un peu respectueux de la dignité et la liberté de ses semblables, devrait trouver répugnant, il me semble, de vouloir leur imposer par son vote ses propres préférences. Que les chiraquiens se soumettent à l'autorité de Chirac, et laissent les lepénistes à celle de Le Pen (et itou de Madelin, de Jospin ou de Tartemolle). Bonne chance à tous! Faute d'État à conquérir, chacun régnerait sur son petit peuple, comme le Pape sur les catholiques. Entre petits peuples, on ferait ce qu'on a envie de faire, commercer, baiser, discuter, et au sein du petit peuple, on obéirait au chef, on appliquerait ses lois, on lui paierait sa dîme... 
  
          Utopique? Il y a 200 ans encore, nos ancêtres croyaient impossible de vivre dans un même pays avec des hérétiques. Nous y sommes parvenus parce que nous avons privatisé les pratiques religieuses. Elles ne relèvent plus de l'État. Privatisons tout le reste. Quand on voit ce qui s'est passé dimanche, qu'avons-nous à perdre? 
  
Christian Michel
 
 
 
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