Montréal,
le 17 juillet 1999 |
Numéro
41
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LE MARCHÉ LIBRE
LES POUBELLES
DE PIERRE BOURQUE
(seconde partie)
par Pierre Desrochers
Nous avons vu dans la chronique précédente
comment une portion importante des déchets domestiques urbains étaient
recyclés spontanément au siècle dernier. Nous avons
également vu comment la municipalisation de la collecte des déchets
avait progressivement instauré une autre approche, basée
sur la taxation et l'enfouissement. Plusieurs élus municipaux tentent
aujourd'hui de corriger les erreurs de leurs prédécesseurs
en imposant le recyclage sous prétexte de promouvoir le «
développement durable ». Comme nous allons
maintenant le constater, il n'y a aucune chance que le recyclage coercitif
soit une panacée. |
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Le recyclage, une option parmi d'autres
Le recyclage n'est que l'une des trois alternatives possibles concernant
les déchets domestiques, car on peut également les enfouir
et les incinérer. Or quoi qu'en disent certains alarmistes, les
techniques d'enfouissement ont beaucoup évolué au cours des
dernières décennies et ne sont maintenant plus problématiques.
Sans entrer dans les détails, les sites modernes sont munis de membranes
étanches et de systèmes de collecte des gaz dangereux. Ils
ne présentent aucun danger au cours de leur utilisation et sont
convertis en parcs ou en terrains de golf une fois remplis. Les déchets
qui y sont enfouis n'ont aucun impact sur l'environnement avoisinant et
les nappes phréatiques. Leur contenu, une fois le site fermé,
est comparable aux roches et aux autres minéraux que l'on trouve
« naturellement » dans le sol et le méthane
que l'on y récupère trouve souvent des applications domestiques
et industrielles. Les techniques d'incinération sont aussi sécuritaires,
en plus d'être une façon souvent peu coûteuse de produire
de l'énergie.
Ce qu'il faut également comprendre, c'est que le recyclage est une
activité manufacturière comme une autre, c'est-à-dire
qu'il consomme de l'énergie et produit des déchets parfois
dangereux. Fabriquer 100 tonnes de fibres de papier à partir de
vieux journaux produit ainsi 40 tonnes de boues toxiques qui sont coûteuses
à détruire. Acheter son café dans des contenants recyclables
plutôt qu'en « briques » de papier d'aluminum
est contreproductif du point de vue environnemental, car les dépenses
en énergie requises pour recycler les contenants sont beaucoup plus
importants que l'enfouissement d'un petit morceau d'emballage. De plus,
les produits recyclés sont souvent de moins bonne qualité
et brisent plus rapidement. Les papiers hygiéniques, les sacs de
plastique et les cartons fabriqués à partir de matières
recyclées sont ainsi moins efficaces et résistants, ce qui
en provoque une consommation accrue. Leurs bénéfices environnementaux
sont donc souvent incertains.
Un autre facteur que l'on doit prendre en considération, c'est que
la composition des déchets a beaucoup changé depuis un siècle.
On trouve moins de choses intéressantes dans les poubelles domestiques
aujourd'hui car des progrès importants, notamment dans le domaine
des emballages, ont considérablement réduit le gaspillage
des matières utiles. Une famille américaine moyenne ne produit
ainsi pas un volume de déchets plus importants qu'une famille mexicaine
moyenne, même si elle consomme beaucoup plus. La raison en est fort
simple: les emballages pour les produits alimentaires. Les américains
ont beaucoup plus tendance, par exemple, à acheter des aliments
surgelés et des jus concentrés que leurs voisins du sud.
Ils gaspillent donc une portion beaucoup moins importante de leur nourriture,
car elle est mieux conservée et ne contient à peu près
rien qui se perde.
« Quoi
qu'en disent certains alarmistes, les techniques d'enfouissement ont beaucoup
évolué au cours des dernières décennies et
ne sont maintenant plus problématiques. »
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Prenons ainsi l'exemple du jus d'orange concentré par rapport aux
jus fait à la maison à partir de fruits. Un producteur important
comme Minute Maid a développé des techniques de presse
des fruits beaucoup plus efficaces que ce que l'on peut faire chez soi.
Il extrait donc beaucoup plus de jus à partir du même nombre
d'oranges qu'un simple consommateur. De plus, Minute Maid extrait
l'huile des pelures et transforme le reste en nourriture pour animaux.
Le seul « déchet » produit par la consommation
domestique de jus d'orange est donc le contenant, qui est peu volumineux
et « neutre » (c'est-à-dire, n'est pas
différent d'un caillou) une fois qu'il est enfoui. D'autre part,
un individu qui fabrique son propre jus gaspille une quantité importante
de pelures qu'il ne peut même pas recycler dans son bac à
compost, car elles sont trop acides. De plus, les oranges sont beaucoup
plus coûteuses à transporter que les contenants de concentrés
et consomment donc beaucoup plus d'énergie. On peut évidemment
préférer fabriquer son propre jus, mais ce qu'il faut retenir,
c'est que les plastiques et les emballages modernes favorisent une utilisation
beaucoup plus efficace des ressources et réduisent la pollution.
Il y a également fort à parier que les grands fabricants
trouveront éventuellement des usages beaucoup plus intéressants
pour leurs pelures, ce qui ne sera jamais le cas d'un consommateur.
Recyclage vs incinération
Le projet de recyclage coercitif de l'administration Bourque est basé
sur la hiérarchie classique de gestion des déchets, à
savoir que la meilleure option est le recyclage, suivie de l'incinération
et de l'enfouissement. Cette hiérarchie est toutefois remise en
question depuis quelques années. L'une des études les plus
importantes dans le domaine a été dirigée par Matthew
Leach(1) du Centre for Environmental
Technology de l'Imperial College de Londres. Leach et ses collègues
ont examiné les conséquences environnementales des divers
modes de gestion du vieux papier journal en Grande-Bretagne. Leur réponse
est sans équivoque: la meilleure option, et de loin, est l'incinération,
suivie du recyclage et de l'enfouissement.
Leach et ses collègues ont examiné en détail cinq
options: 1) recycler pour produire un papier d'aussi bonne qualité;
2) recycler pour produire un papier de qualité inférieure;
3) l'incinération pour produire de l'énergie; 4) le compostage;
5) l'enfouissement avec récupération de méthane. Les
chercheurs ont ensuite examiné en détail les coûts
de chaque méthode et les conséquences environnementales de
chacune de ces activités, notamment au niveau de l'émission
de polluants divers. Selon Leach, si l'on fait abstraction des polluants
émis durant ces processus, environ 80% du papier journal devrait
être recyclé. Si l'on tient compte des polluants émis
durant chacune de ces opérations, il devient alors plus logique
d'incinérer 66% du vieux papier journal et d'enfouir/composter le
reste. L'un des principaux problèmes du recyclage selon Leach, c'est
qu'il faut transporter le papier, ce qui contribue dans le cas du Royaume-Uni
à l'émission de plus 6000 tonnes de CO2 annuellement. Les
usines de désencrage et de recyclage sont aussi extrêmement
énergivores, en plus de produire des quantités énormes
de boues industrielles contenant des concentrations importantes de métaux
lourds devant être enfouis.
Les incinérateurs sont par contraste beaucoup plus écologiques.
Ils sont par définition situés beaucoup plus près
des lieux de production de déchets et brûlent tous les déchets
domestiques. Leur température interne est tellement élevée
qu'on y brûle presque tous les déchets toxiques, avec peu
d'effets secondaires. Ces usines produisent évidemment du CO2, mais
dans la mesure où l'on plante des arbres dans l'intention de les
transformer en papier journal, ces derniers en absorbent une quantité
équivalente. L'incinération est donc « neutre
» au niveau des prétendus gaz à effet de serre.
De plus, dans la mesure où l'incinération est favorisée,
elle réduit d'autant la consommation de combustibles fossiles. Les
vieux papiers journaux y sont de plus un combustible recherché,
car à l'instar des plastiques, ils sont très utiles pour
déclencher les processus thermiques.
La flexibilité des processus de marché
Le cas des vieux papiers journaux en Grande-Bretagne n'est évidemment
qu'un cas particulier. Il nous rappelle toutefois que le recyclage n'est
pas une panacée et qu'il peut souvent être contre productif.
Il y a évidemment plusieurs situations où le recyclage est
une mesure logique, mais on doit alors laisser jouer les forces du marché
et laisser les entreprises mener les opérations de façon
profitable. Imposer le recyclage municipal est non seulement inutile, mais
dommageable pour l'environnement.
1. L'article de Leach et de
ses collègues a été publié dans le International
Journal of Environmental
Technology
and Management en 1997. Cet article est toutefois basé sur le
compte-rendu ayant été
publié
dans le New
Scientist le 22 novembre 1997. >>
Voir également:
1. William Rathje et Cullen
Murphy, Rubbish! The Archeology of Garbage, New York,
HarperCollins
Publishers, 1992.
2. Lynn Scarlett, Packaging,
Recycling and Solid Waste, Policy Report #223, Los Angeles,
Reason
Public Policy Institute, 1997.
3. Une introduction claire et
concise sur le sujet est également disponible dans:
Michael Sanera
et Jane Shaw (adopted for Canadian readers by Liv Fredericksen et
Laura Jones),
Facts
not Fear: Teaching Children about the Environment (Canadian
edition), Vancouver,
Fraser Institute,
(Chapitre 19: « The recycling myth »),
1999.
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