Montréal, le 28 août 1999
Numéro 44
 
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COURRIER DES LECTEURS
  
LES GRANDS TRAVAUX DE MITTERRAND: PIRE ENCORE!
   
  
          Les chiffres que vous donnez sur la TGB et la Grande Arche me semblent bien en-deça de la réalité (voir LA CULTURE POUR TOUS, COÛTE QUE COÛTE, le QL, no 43). Quand on sait que les frais de fonctionnement sont de 1 milliard de francs par an, on s'imagine déjà que la bibliothèque a coûté bien plus que le chiffre de 1 milliard que vous donnez. Pour autant que je m'en souvienne, cette TGB a coûté 13 milliards de francs. Puisque vous avez lu le livre, vous devez tout savoir des petits tracas de cette TGB? 
  
          Les quatre tours principales où sont stockés les ouvrages fonctionnent comme des fours: les livres cuisent. Amusant n'est-ce pas? Et puis, comme à l'Opéra-Bastille, il y a des filets qui empêchent les chutes de matériaux sur les visiteurs. Parce que ça tombe en ruine. Dans ces deux bâtiments, le personnel est souvent en grève (même très souvent) pour la raison simple qu'ils ne sont pas adaptés à leur fonction supposée. 
  
          Et il y a les coïncidences amusantes: les 666 carreaux de la pyramide du Louvre (je ne peux pas croire une seule seconde que cela est un hasard), complété par l'alignement de cette pyramide avec l'Arche de la Défense: de beaux symboles francs-maçons! 
  
          Enfin, il faut noter que Jacques Chirac, actuel président de la République, deux fois vaincu par Mitterrand, a donné le nom de Bibliothèque François Mitterrand à la TGB... pas rancunier? Non, plutôt pense-t-il que si son successeur n'est pas du même bord politique, il saura bien lui rendre la politesse! 
  
À bientôt, 
  
 
Hervé Duray
 
 
RÉPONSE DE GILLES GUÉNETTE:  
 
  
Monsieur Duray, 
  
          Dans Un pharaon républicain: les Grands Travaux de Mitterrand, Marie Delarue parle 
d'un montant de près de 8 milliards FF pour la construction de la Très Grande Bibliothèque. 
Le milliard de francs dont il est question dans mon article est bien entendu celui réservé 
au budget annuel de fonctionnement.  
  
          Comme l'explique Mme Delarue, à l'origine, les tours devaient être entièrement vitrées 
« et habillées de verre expérimental se teintant à la lumière solaire. De gigantesques lunettes de soleil, 
en somme, permettant d'admirer le va-et-vient des ouvrages, représentation allégorique des 
neurones en plein boulot. (...) Puisque les hectares de verre solaire étaient matériellement infaisables, 
ne restait plus, pour habiller les tours, que la solution de la double-paroi. Elles seraient certes en verre, 
mais neutre, et garnies de volets intérieurs (qui leur donnent aujourd'hui cette couleur beige sale). » 

          L'architecte Dominique Perrault « a juché ses quatre tours-équerres en haut d'une immense 
volée de marches. L'emmarchement et l'esplanade sont entièrement en bois, un bois très dur d'Amazonie, 
l'ipé [un bois de couleur brun olive à brun foncé, strié de jaune verdâtre], cousin germain du teck et 
“chargé de donner une grande douceur au projet” dit l'architecte. On a attendu, pour l'annoncer au public, 
“les résultats de résistance à l'incendie, à l'humidité, ceux des essais acoustiques”, et surtout, il a fallu 
“trouver un bois non glissant pour les promeneurs” (sic). On aimerait savoir qui a pratiqué les tests, 
l'emmarchement de la nouvelle bibliothèque étant aujourd'hui l'un des plus beaux “casse-gueule” 
de la capitale, au point que les personnels ont demandé “des contrats d'assurance spécifiques pour 
affronter les dangers de l'ascension de l'esplanade”. » 

          Ces employés qui, « du fait des distances induites par le pré-carré de verdure qui, rappelons-le, 
occupe entre les quatre tours une surface équivalente aux jardins du Palais Royal, se trouvent 
nécessairement transformés en athlètes de haut niveau. Il faut en effet vingt minutes, franchir 
de nombreux sas en poussant des portes qui demandent une force et une carrure de crieur de foire 
pour passer d'une tour à l'autre. » 
  
          Du côté de la logistique, « tout, depuis le verrouillage des tourniquets d'accès aux salles de lecture 
jusqu'à la gestion des cartes et le chariotage des livres en passant par la consultation du catalogue, 
dépend du même système [informatique] qui s'avère, du coup, d'une complexité extrême. » Aussi, nombre 
de dysfonctionnements autres qu'informatiques sont décelés: « températures “semi-polaires” dans les salles 
de lecture du rez-de-jardin et étouffoir dans les tours, extincteurs automatiques qui se déclenchent de manière 
intempestive, livres rares broyés dans la machinerie et personnel bloqué par les “compactus électriques” 
(rayonnages mobiles situés dans les sous-sols et les treize étages de stockage) impossible à débrayer 
à la main, ou encore déraillement des nacelles du TAD (transport automatique de documents) au péril 
des personnels qui circulent dans les sous-sols. »  
  
G.G.  
  
 
  



 
 
 
LES GRANDS TRAVAUX DE MITTERRAND:
PANNE DE SYSTÈME ET GRÈVE DU PERSONNEL!

 
          Bravo pour le très intéressant et éloquent compte-rendu du livre de Delarue (voir LA CULTURE POUR TOUS, COÛTE QUE COÛTE, le QL, no 43). Je ne le connais pas, mais vais dès à présent y prêter attention. L'article relate bien la situation en France. Je ne suis pas encore allée à la TGB pour y travailler parce que, dès que l'occasion m'était donnée d'y aller, il y avait soit une panne généralisée du système informatique, soit une grève du personnel! (je ne sais pas si Delarue aborde cet aspect du fonctionnement rendu précaire par le gigantisme). 
  
          Au sujet du « système hyper-centralisé », c'est bien tout le problème de la France! La machine est extrêmement lourde: même en tant que chercheur (tu peux pourtant penser appartenir à une élite), tu es obligé de te rendre avant 10:00 h le matin pour réserver ta place et passer ta commande pour avoir un petit espoir de te voir remettre, quelques heures plus tard, les ouvrages demandés. Il semble qu'il est prévu de pouvoir demander les ouvrages à distance, mais le centralisme à outrance paralyse la machine!!! Lorsque tu dois envisager de t'y rendre du Palais Royal, il faut déjà compter 30 minutes de transport en commun (même en cherchant la nouvelle ligne de RER Madeleine-Tolbiac – dont j'ai oublié le nom – hyper rapide, moderne et attrayante), puis le dédale des couloirs sur le site même, et enfin le délai d'attente... Il faut être patient et donner l'occasion à la machine de se roder. Pourtant il est beau le temps où en 10 minutes tu passais du Palais Royal à l'ancien site de la Bibliothèque nationale (rue de Richelieu)! 
  
Léna
Strasbourg
 
 
 

 
 
  
REMETTRE L'ÉTAT À SA PLACE
  
  
          Êtes-vous libre? Un peu bien sûr, mais l'êtes-vous autant que vous devriez l'être? N'êtes-vous pas, paradoxalement, l'otage de l'institution qui prétend être le garant de votre liberté pleine et entière, l'État? L'État quand il se mêle de ce qui ne le regarde pas? 
  
          Prenons l'exemple de la retraite. Êtes-vous libre de vous constituer une retraite comme bon vous semble, voire même de ne pas vous en constituer du tout? Non! Vous êtes obligé de souscrire au système de retraite public qui, bien entendu, a été fait pour votre bonheur. Mais de quel droit l'État s'est-il substitué à vous? Pourquoi faut-il absolument que vous souscriviez à ce système de retraite? Parce que c'est dans votre intérêt, vous répondra-t-on. 

          Mais pourquoi n'auriez-vous pas le droit de penser le contraire, au risque même de vous tromper, et de refuser de souscrire? Comment l'État qui doit être le garant de votre liberté peut-il vous contraindre à verser de l'argent à un organisme de retraite? Porte-t-on préjudice à qui que ce soit en mettant de l'argent de côté pour ses vieux jours selon son idée? Est-on alors une menace pour la société nécessitant le recours à la force publique? Bien sur que non! Nous pouvons disposer de notre argent comme bon nous semble. Nous devrions donc avoir la liberté de nous constituer une retraite comme bon nous semble. C'est un de nos droits, un de ceux que l'État, justement, devrait faire respecter. 
  
          L'État empiète sur nos libertés à chaque fois qu'il se mêle de ce qui ne le regarde pas. Son intervention est légitime lorsqu'il nous empêche de nuire à d'autres membres de la société, quand il nous empêche de commettre une injustice. Pour le reste, toutes les actions qui ne portent préjudice à personne, nous sommes totalement libres de les faire et son devoir est de veiller à ce que nul ne nous empêche de les faire. 
  
          Au lieu de nous obliger à souscrire à son système de retraite, c'est lui qui au contraire devrait empêcher quiconque de nous contraindre à cotiser pour une caisse quelconque. Qu'il fasse donc correctement son travail. Qu'il nous fiche la paix.  
 

Christophe Vincent
Paris
  
  
  


 
 
 
LE QL EFFRAYANT?
 
 
Monsieur Masse, 
  
          Je me suis mis à fouiller votre site internet et malheureusement, en lisant un éditorial de votre magazine (voir LES BIENFAITS DE LA DISCRIMINATION, le QL, no 43), je suis effrayé. 
  
          Vous dénoncez la décision d'une juge de vouloir rétablir les droits des homosexuels, prétextant que les Scouts sont une entreprise privée et qu'ils peuvent agir comme bon leur semble. Belle excuse! Donc, si on se fie à votre raisonnement, on entre tout droit vers une justice à deux paliers: le privé et le public. C'est donc dire que le privé ne doit pas, à votre avis, se conformer aux règles morales « du bon citoyen selon l'élite nationalo-gauchiste bien-pensante. » Salaire minimum? Pas nécessairement. Conditions de travail décentes? Ça va dépendre du boss, rien que du boss et toujours du boss. 
  
          Les mots me manquent pour expliquer mon désaccord, tellement l'affirmation est insensée. N'en déplaise aux libertariens, les lois s'appliquent à tous, autant dans le domaine public que privé. 
  
          Par contre, niveau démagogie, je me suis régalé à la lecture du passage suivant: « Hier, l'État réprimait l'homosexualité, aujourd'hui il en fait presque la promotion; hier, il discriminait contre les Noirs et les Juifs, emprisonnait d'honnêtes immigrants italiens et japonais dans des camps pendant la guerre et cherchait à déraciner la culture autochtone; aujourd'hui, il s'en prend aux fumeurs, aux possesseurs d'armes, aux anglo-Québécois ». 
  
          Un peu plus et on tombe à l'anarchie! Pauvres fumeurs! C'est vrai qu'il faut absolument une arme pour tourner un coin de rue! J'espère seulement que l'avenir ne vous donnera pas raison. 
  
           Sans rancune et espérant une réponse. 
  
Vincent Brousseau-Pouliot
journaliste
  
  
  
RÉPONSE DE MARTIN MASSE:  
  
  
Bonjour Monsieur Brousseau-Pouliot, 
 
          Non en effet, le secteur privé ne devrait pas avoir à se conformer aux soi-disant règles morales 
définies par les politiciens, les bureaucrates et les juges selon la mode du jour. Le secteur privé devrait 
seulement avoir à se conformer aux règles fondamentales d'un pays libre et démocratique, notamment 
la liberté de s'associer et de ne pas s'associer avec qui l'ont veut, et le droit de jouir de sa propriété 
comme on l'entend. Toutes les autres règles et lois sont censées être subordonnées à ces droits 
fondamentaux protégés par la constitution. Malheureusement, les juges ne font plus leur travail, et les 
politiciens font ce qu'ils pensent être le leur: intervenir partout dans nos vies, au mépris de nos droits! 
 
    Les règles qui s'appliquent aux secteurs public et privé ne sont absolument pas les mêmes. L'État 
représente théoriquement tous les citoyens et ne peut discriminer contre qui que ce soit sans contredire 
ce principe (évidemment, en réalité, il le fait constamment, mais c'est un autre problème). Dans ce qu'on 
appelle « la société civile », ou la vie privée, ou le secteur privé, les individus ne représentent qu'eux-mêmes. 
Ils discriminent tout le temps et n'ont pas à se soucier de tenir compte de l'ensemble des citoyens 
lorsqu'ils agissent. Lorsque vous barrez vos portes et empêchez les intrus de rentrer chez vous, vous ne 
« discriminez » pas en faveur de votre famille et contre les étrangers, vous protégez simplement votre 
propriété. Il ne s'agit pas d'avoir « deux paliers de justice » comme vous écrivez, ce sont simplement deux 
secteurs différents avec des règles différentes. 
 
    Le monde n'est pas parfait et on peut imaginer des tas de causes louables et moralement justifiables 
dans l'abstrait. La question est de savoir jusqu'où on peut laisser l'État faire fi des principes fondamentaux 
de notre société pour avancer ces causes. La liberté de s'associer, ou celle de décider ce qu'on veut faire 
avec son propre corps, ne vous semblent pas très importantes si je me fie à votre lettre. Vous semblez prêt 
à accepter tout ce que le pouvoir décidera de vous imposer. Allons donc un peu plus loin: si l'État décrète 
que vous ne pouvez plus « discriminer » contre les pauvres et les itinérants dans l'utilisation de votre logis 
et de la nourriture qui s'y trouve, et que c'est désormais un crime de leur refuser d'entrer chez vous et de 
piger dans votre réfrigérateur, allez-vous simplement accepter cette nouvelle « règle morale » qui vise le 
bien collectif? C'est pourtant une cause très louable, la lutte contre la pauvreté, avec laquelle on nous 
rabache constamment les oreilles. Ce serait une autre façon logique de s'y attaquer. Le principe est 
exactement le même que celui qu'invoquaient les jugements contre les Boy Scouts et contre le bar l'Orage: 
le soi-disant « bien commun » défini par un petit groupe de gens au pouvoir est plus important que la liberté 
individuelle et la propriété privée. 
 
    À partir du moment où il n'y a plus de distinction entre les sphères publique et privée de la vie en 
société, l'État peut tout contrôler, et c'est justement ce qu'il fait de plus en plus. À terme, ce mouvement 
mène au monde orwellien de 1984, où il n'y a tout simplement plus de sphère de vie privée. Un monde 
orwellien qui s'est concrétisé dans l'Allemagne nazie, l'Union soviétique, la Chine maoïste, et dans 
combien d'autres pays de façon moins dramatique uniquement au cours du présent siècle. Vous acceptez 
ce développement sans vous plaindre, sans rien y voir de néfaste. Et c'est nous que vous trouvez 
dangereux?! Nous qui défendons la liberté individuelle et qui mettons les gens en garde contre les abus 
de l'État? Nous qui voulons que chacun puisse s'associer librement avec qui il veut? 
 
M.M. 
 
 
 
 
 
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