[À propos de la discrimination, je dois dire que le marché
punit ceux qui fondent des jugements sur des critères non pertinents:
les racistes seraient les premières victimes de leur comportement,
si celui-ci s'étendait à l'économie. En fait, ils
pratiqueraient sur eux-même un embargo!]
Les règles de stabilité, de non-rétroactivité
sont déja tombées. Si cette troisième règle
de droit venait à tomber à son tour, on se demande ce qui
resterait du système juridique (en général).
À bientôt, Québécois Libres!
Hervé Duray
France
LIBERTÉ VS DISCRIMINATION
- 2
C'est vraiment n'importe quoi ce que vous dites du Tribunal des droits
de la personne! (voir UN JUGEMENT ABSURDE, le QL,
no 50) Que vous n'ayez pas été
d'accord avec la décision, ça va; que vous trouviez comme
moi que la preuve était loin de permettre de condamner le propriétaire,
ca va aussi...
De prétendre que le tribunal des droits de la personne est un racket
juridique, avec tout ce que cela comporte de péjoratif, est un peu
irresponsable de la part d'un journal libertaire. À moins que vous
ne vous réclamiez de la philosophie lockienne au point d'oublier
que le libéralisme livresque est inapplicable sinon en faisant tendre
vers la droite.
Lire mot à mot la lettre d'un lecteur au sujet de l'affaire
Sinatra me laisse confuse. J'ai peine à croire que
certaines personnes ignorent encore que la disrimination fondée
sur l'origine ethnique est interdite.
Après avoir rappelé que notre M. Sinatra a refusé
de louer un logement à une personne de « race
noire » (si tant est que la couleur de la peau soit
une « race »...), le lecteur se demande «
de quelle nature pouvait bien être la discrimination
». Il y a certainement quelque chose qui m'échappe
dans cette intervention. Car il y a une marge entre la position de Martin
Masse voulant que la protection des droits fondamentaux dans le domaine
privé soit anti-libertaire et l'incrédulité de celui
qui réalise que la discrimination interdite est interdite!
Oui, il était bien question de discrimination fondée sur
l'origine ethnique. Oui, le refus de louer un appartement à quelqu'un
PARCE QU'il est noir est interdit au Québec. Il n'est pas ici question
de donner priorité aux personnes noires, la discrimination positive
n'ayant rien à voir ici.
Après avoir étudié les faits de cette histoire, la
juge du Tribunal des droits de la personne a conclu que le propriétaire
Sinatra a refusé de louer son appartement au plaignant parce qu'il
était Africain, ce qui contrevient à la Charte des droits
et libertés de la personne du Québec. Les propos de M. Sinatra
étaient effectivement assez inquiétants: Il a dit ne pas
vouloir louer à un étranger de peur qu'il manque de travail,
qu'il retourne dans son pays et donc qu'il ne paie pas son loyer.
La moindre des choses est de lire les jugements sur lesquels nous voulons
avoir une opinion, surtout lorsqu'on veut dire qu'ils sont absurdes. Vous
pouvez le faire à cette adresse.
Véronique Robert-Blanchard
Montréal
Réponse de Martin Masse:
Madame Robert-Blanchard,
J'ai lu le jugement en question et vous remercie de nous avoir envoyé
le lien. Vous comprenez toutefois, je pense, que d'un point de vue libertarien
(et non « libertaire » – les libertaires sont
des anarchistes de gauche qui s'opposent au marché), tout cet argumentaire
du juge pour arriver à la conclusion que M. Sinatra a discriminé
reste absurde.
Dans un marché libre, il y a des gens qui pensent de toutes sortes
de façons, et il suffit d'aller voir ailleurs pour trouver chaussure
à son pied. On ne peut pas forcer quelqu'un à transiger avec
nous. Au contraire, à partir du moment où les droits de propriétés
sont limités par d'autres « droits », comme
celui de ne pas être victimes de discrimination lors d'un échange
commercial, toutes les transactions (ou absences de transactions) sont
alors sujettes à être passées au peigne fin par l'État,
pour voir si elles ne contreviennent pas à l'un ou l'autre de ces
autres droits. Vous considérez ces droits comme « fondamentaux
» mais ils m'apparaissent au contraire comme de simples privilèges
accordés à des personnes sur la base de caractéristiques
arbitraires, selon la mode politically correct du moment (voir à
ce sujet LES BIENFAITS DE LA DISCRIMINATION, le QL,
no 43).
M. Sinatra a en effet « discriminé » contre
M. Bia-Domingo dans la mesure où il a jugé que son statut
de pigiste et d'étranger ne garantissait pas qu'il paierait son
loyer de façon régulière et pour toute la durée
du bail. Dans le jargon juridique, il s'agit de discrimination sur la base
de la « condition sociale » et de
l'« origine ethnique ». Contrairement
à vous, je trouve qu'il n'y a rien d'inquiétant là-dedans,
mais qu'il s'agit au contraire d'une évaluation rationnelle des
risques dans une transaction. À l'opposé, la dame à
qui l'appartement a été loué n'avait pas un revenu
plus élevé, mais avait l'avantage de connaître le locataire
qui partait, une information qui permet de réduire ce risque.
Vous pouvez ne pas être d'accord avec l'évaluation de M. Sinatra.
Vous pouvez même penser que louer à des pigistes étrangers
constitue un risque MOINS élevé, et préférer
leur louer votre appartement plutôt qu'à quelqu'un d'autre.
Vous pouvez le faire parce que vous croyez ainsi réduire vos risques
financiers ou pour des raisons humanitaires. Vous devriez en fait pouvoir
penser ce que vous voulez et faire ce que vous voulez avec VOTRE propriété.
Je ne crois pas qu'il revient à l'État et à ses juges
de décider ce qu'on a le droit de penser et de ne pas penser, comment
on peut ou ne peut pas évaluer les risques d'une transaction, avec
qui on doit ou ne doit pas conclure une transaction, et ultimement ce qu'on
peut ou ne peut pas faire avec sa propriété dans la mesure
où l'on ne porte pas atteinte à celle d'autrui. La position
libertarienne, contrairement à tous le fatras idéologique
politically correct qui colore le débat sur ces questions
de nos jours, ne fait pas de compromis là-dessus.
Bien à vous,
M. M.
Note: Un extrait
du jugement en question, qui explique la justification de la juge Michèle
Rivet pour limiter les droits de propriété, est publié
dans la chronique MOT POUR MOT en page
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