Montreal, 31 août 2002  /  No 108  
 
<< page précédente 
 
 
 
 
Martin Masse est directeur du QL. La page du directeur.
 
ÉDITORIAL / MOT POUR MOT
 
QUE LE VÉRITABLE LIBÉRAL SE LÈVE (II)
  
 
          Le Québec aura-t-il bientôt un gouvernement moins interventionniste?  
  
          Des élections générales doivent avoir lieu d’ici l’automne 2003. Le Parti québécois (PQ), au pouvoir depuis 1994, est voué à la défaite. Les sondages indiquent qu’une majorité de citoyens ne souhaitent pas la tenue d’un autre référendum sur la séparation du Québec à court ou moyen terme. Privé de momentum sur le point principal de son programme, le gouvernement n’arrive pas non plus à susciter l’enthousiasme avec ses réalisations et ses propositions clairement interventionnistes et social-démocrates. 
  
          Les deux principaux partis d’opposition, le Parti libéral (PLQ) et l’Action démocratique (ADQ), prétendent vouloir réduire le rôle et la taille de l’État provincial. L’un des deux formera vraisemblablement le prochain gouvernement. Mais comme il y a quatre ans, alors que les deux mêmes protagonistes affrontaient le PQ, il n’est pas du tout clair quel est celui qui offre le programme le plus libéral. 
  
          Le Parti libéral n’a, depuis quarante ans, de libéral que le nom. Il est l’architecte de l’État-providence québécois et chacun de ses passages au pouvoir a résulté en une croissance de la taille de l’État. Jean Charest, devenu chef en 1998, a brièvement flirté avec l’idée de remettre en question le « modèle québécois » d’interventionnisme étatique, puis a reculé devant les critiques des bien-pensants nationalo-étatistes. Au cours des dernières années, le PLQ a même parfois combattu le PQ sur sa gauche. M. Charest semble avoir retrouvé un peu de son esprit critique libéral depuis les récents succès de l’ADQ mais sa crédibilité est au ras du sol. 
  
          L’Action démocratique tient un discours un peu plus cohérent en faveur d’un allégement de l’État depuis sa fondation au début des années 1990. Mais comme le PLQ, le parti de Mario Dumont a connu des périodes où il mettait plutôt l’accent sur l’interventionnisme économique et la croissance des programmes sociaux. Une partie de son programme a des accent libertarien, une autre propose de pousser plus loin encore les tentacules de l’État-providence. Il est impossible de savoir si un gouvernement adéquiste mettra l’accent sur l’une ou l’autre de ces tendances. Le parti attire surtout par sa nouveauté et le fait que sa position constitutionnelle reste ambiguë. 
  
          Dans un Mot pour mot portant le même titre que celui-ci en novembre 1998 (voir QUE LE VÉRITABLE LIBÉRAL SE LÈVE, le QL, no 25), nous rapportions les propos de MM. Charest et Dumont lors du débat des chefs. Le chef libéral affirmait alors que « oui, vous et moi, pour ce qui est de la réduction, ou les efforts pour réduire l'intervention de l'État, on est d'accord là-dessus. On fait le même diagnostic, entre vous et moi, c'est parce qu'on regarde partout autour de nous en Amérique du Nord, puis on constate qu'au Québec, on est champion taxes et impôts, champion bureaucratie, on est les premiers, on a plus de bureaucratie... »  
  
          Qu’en est-il quatre ans plus tard? D’un point de vue libertarien, l’idéal serait évidemment que les deux partis se fassent concurrence pour offrir le programme le plus cohérent en faveur d’une réduction de la taille de l’État et d’une augmentation de la liberté individuelle, même s’il est illusoire de penser que l’un ou l’autre adoptera des positions radicalement anti-étatistes. Pour permettre à nos lecteurs de se faire une idée sur l’évolution de leurs positions (les politiciens sont des girouettes et ces positions changeront sans doute encore plusieurs fois), nous rapporterons régulièrement jusqu’au scrutin les propos de nature libérale ou étatiste des deux chefs et de leurs lieutenants, ainsi que les résultats des derniers sondages. 
  
          Que le véritable libéral (s’il y en a un) se lève... et l’emporte! 
  
M. M.
 
Parti libéral du Québec / Jean Charest
  
À bas l'État et sa bureaucratie! Place à la liberté et à l'initiative individuelle! Sentant que le vent souffle vers la droite, le chef du Parti libéral du Québec (PLQ), Jean Charest, ne mâche plus ses mots et remet au parfum du jour ses revendications sur la réduction du rôle de l'État. 
  
M. Charest a repris ce thème en guise de clôture du congrès annuel de la Commission jeunesse du PLQ. « L'État nous a jadis fait bondir en avant. Il est en train de nous ralentir. Il faut revoir et réécrire sa mission, a-t-il déclaré. L'État tentaculaire et obèse, qui se substitue à l'entreprise, aux banques et à l'initiative individuelle, c'est terminé! »  
  
« [Le gouvernement qui] se perd dans une montagne de paperasse, de programmes, et est incapable d'offrir des services de qualité, c'est du passé, qui appartient à l'autre siècle. » 
  
Le chef libéral veut « réinventer le Québec ». « C'est la responsabilité du Parti libéral du Québec de redéfinir le Québec du nouveau siècle », a-t-il lancé fièrement.  
  
Jean Charest a également promis de revoir le mandat de la Société générale de financement (SGF) – un organisme public qui aide au financement des entreprises – qu'il accuse d'avoir englouti à perte 28 millions dans le dossier Métaforia.  
  
Avec les libéraux au pouvoir, les Québécois auront « un gouvernement qui est là quand on a besoin de lui, et qui se mêle de ses affaires le reste du temps » 
  
...alors que Jean Charest parle de réduire le rôle de l'État, les membres de la Commission jeunesse ont exigé la création d'une Société de l'eau qui nationalisera cette richesse naturelle, la gérera et la protégera.  
  
(Sources: Le Devoir, Presse canadienne, 12-08-02) 
  
  
     « L'État nous a jadis fait bondir en avant. Il est en train de nous ralentir. Il faut revoir et réécrire sa mission. L'État tentaculaire et obèse, qui se substitue à l'entreprise, aux banques et à l'initiative individuelle, c'est terminé! » 
- Jean Charest - 
  
  
Devant ses partisans, le chef libéral est revenu sur la nécessité de faire de l’État québécois le reflet de l’évolution de la société québécoise. Il estime que le plan de création d’emplois du premier ministre Landry démontre bien ses intentions de passer « par le biais d’un interventionnisme très lourd de l’État » 
  
Le PLQ croit qu’il faut faire les choses autrement et qu’il devra, pour en convaincre les citoyens, affronter des « esprits nostalgiques ». « On les sent déjà fourbir leurs armes et s’apprêter à nous servir l’argument de la préservation du modèle québécois. Il ne faut pas toucher à ça, le modèle québécois. Il s’agit pour eux d’une espèce de sainte relique devant laquelle ils défilent silencieusement, la nuit », a-t-il chargé.  
  
Il s’est ensuite moqué de l’augmentation du nombre d’organismes créés au cours des dernières années par le gouvernement du Parti québécois. Puisant dans les rapports du vérificateur général, M. Charest a dit qu’il y en avait 275 en 2001 tandis qu’il y en avait 215 en 1994. « Ils ont créé 60 organismes en l’espace de cinq ans. Ça fait en moyenne une nouvelle structure par mois soue le gouvernement du Parti québécois qui a une obsession des structures. » 
  
(Source: Presse canadienne, 24-08-02) 
  
  
Le chef libéral a dénoncé l'Action démocratique et ses positions politiques qui ne sont que « des photocopies des positions de droite ». Il a cité notamment le taux d'imposition unique que Mario Dumont défend, de même que sur son programme de privatisation de larges secteurs de la santé ou du réseau de garderies publiques. « Ils n'ont pas un programme qui tient la route », a-t-il dit au sujet des adéquistes.  
  
Quant au gouvernement du Parti québécois, M. Charest l'a accusé de défendre « le statu quo ». « Dans le cas du PQ, eux, c'est le statu quo, avec leur modèle québécois. Nous voulons être lucide et changer ce qui doit être changé », a-t-il dit, reprochant à Bernard Landry d'être « trop porté sur l'interventionnisme de l'État » 
  
(Source: Presse canadienne, 26-08-02) 
  
  
  
 
Action démocratique du Québec / Mario Dumont 
  
L'Action démocratique du Québec entend poursuivre sur sa lancée du 17 juin dernier. « La population s'attend à une certaine cohérence dans les idées politiques et se pose des questions sur ceux qui se repositionnent et changent leur stratégie au gré des résultats électoraux », a déclaré hier le chef du parti, Mario Dumont. 
  
M. Dumont s'est moqué des remises en question auxquelles se livrent le Parti libéral de Jean Charest et le Parti québécois de Bernard Landry face à la montée de l'Action démocratique, qui a été constatée depuis juin dernier. « Certains croient que les convictions et les idées politiques peuvent se modifier à la lumière des baromètres. Mais les gens veulent savoir si ceux pour qui ils votent croient vraiment à ce qu'ils proposent », a dit M. Dumont.  
  
En conséquence, le parti de l'ADQ entend faire preuve de « consistance dans ses idées », a promis le chef adéquiste. Répliquant à Jean Charest, qui a promis la semaine dernière de « réinventer le Québec », M. Dumont a soutenu: « Nous, on n'offre pas de réinventer le Québec. On veut juste donner aux Québécois un gouvernement placé là où ils sont déjà rendus. »  
  
(Source: Presse canadienne, 16-08-02) 
  
 
     « Nous, à l'ADQ, nous voulons voir si le secteur privé ne peut pas occuper une plus grande place. Nous devons envisager que des gens puissent sortir des sous de leur poche pour obtenir des soins plus rapides. » 
- Mario Dumont - 
 
 
Le chef de l'Action démocratique du Québec (ADQ), Mario Dumont, ne prend pas au sérieux l'objectif de plein-emploi du gouvernement Landry. Il réagissait au plan gouvernemental, annoncé la veille par le premier ministre Bernard Landry, visant à créer 120 000 emplois par année d'ici trois ans, de façon à réduire à cinq pour cent le taux de chômage au Québec. Le taux de chômage actuel est de 8,6%, après avoir frisé les 15% au début des années 1990.  
  
Selon le député de Rivière-du-Loup, l'engagement du gouvernement en vue d'atteindre le plein-emploi est une recette dépassée. « C'est une vieille approche des années 1970: quand il se crée des emplois, c'est la faute du gouvernement, mais quand il s'en perd, c'est la faute de l'économie », a-t-il ironisé. M. Dumont a rappelé que l'ADQ « n'est pas contre la vertu » 
  
(Source: Presse canadienne, 23-08-02)  
  
  
Gonflé à bloc par des sondages très favorables, le chef de l'Action démocratique du Québec, Mario Dumont, a déclaré hier que le dossier de la santé – et en particulier la privatisation accrue des services de santé – sera au coeur des débats lors du prochain congrès de l'ADQ, début octobre. 
  
« Le Parti québécois et le Parti libéral condamnent la médecine à deux vitesses, mais il ne faut pas se leurrer, celle-ci existe déjà, a-t-il poursuivi. Nous, à l'ADQ, nous voulons voir si le secteur privé ne peut pas occuper une plus grande place. Nous devons envisager que des gens puissent sortir des sous de leur poche pour obtenir des soins plus rapides. » 
  
Marie-Chantal Pelletier, présidente de la commission politique de l'ADQ, a précisé que son parti souhaite d'abord la privatisation du secteur de la santé au niveau administratif. « Le privé a déjà un rôle de 30% dans les dépenses de la santé. On veut reconnaître cet apport. Le privé a des compétences pour administrer et gérer ce système. Des gens (des compagnies) sont prêts à investir dans la santé. Ensuite, on veut que les citoyens puissent payer un certain montant pour obtenir des soins. Notre position sera débattue les 5 et 6 octobre. » 
  
(Source: La Presse, 26-08-02) 
  
  
  
  
Sondages 
 
SOM-Radio-Canada-La Presse  
23 août 2002  
  
PQ:
18%
PLQ:
31%
ADQ:
38%
Indécis
11%
 
CROP  
30 août 2002  
  
PQ:
23%
PLQ:
31%
ADQ:
32%
Indécis:
13%
 
  
  
  
À lire dans les archives du QL sur ce sujet 
  
UN SAUVEUR QUI NE RÉGLERA RIEN, le QL, no 4 
L'INUTILITÉ DE L'ADQ, le QL, no 21 
CHAREST BRISERA-T-IL LE « CONSENSUS »?, le QL, no 23 
DR JEAN JEKYLL ET M. JEAN HYDE, le QL, no 23 
COMMENCER À CHANGER LES CHOSES AVEC L'ADQ, le QL, no 25 
QUE LE VÉRITABLE LIBÉRAL SE LÈVE, le QL, no 25  
LA TROISIÈME VOIE DE L'ADQ, le QL, no 26 
LA REMISE EN QUESTION DU MODÈLE QUÉBÉCOIS, le QL, no 39 
LES GUIDOUNES DU PSDLQ, le QL, no 47 
PQ VS PLQ: UN CHOIX ENTRE DEUX CORPORATISMES, le QL, no 66 
À QUOI SERVENT LES PROGRAMMES ÉLECTORAUX?, le QL, no 70 
COMMENT RELANCER LE LIBÉRALISME AU QUÉBEC, le QL, no 81 
PEUT-ON FAIRE CONFIANCE À L'ADQ?, le QL, no 105 
 
 
Entrevues et Mot pour mot précédents 
Articles précédents de Martin Masse
 
 
<< retour au sommaire
 PRÉSENT NUMÉRO